Éthiopie. Tous les blogueurs et journalistes doivent être libérés avant la visite de Barack Obama

La décision du gouvernement éthiopien de libérer quatre journalistes et deux blogueurs de Zone 9, incarcérés uniquement pour avoir exprimé leurs opinions, est un geste positif. Toutefois, pour que celui-ci soit plus qu’un geste symbolique destiné à redorer l’image de l’Éthiopie avant la visite imminente du président des États-Unis Barack Obama, l’Éthiopie doit libérer tous ses journalistes et blogueurs emprisonnés, a déclaré Amnesty International vendredi 9 juillet 2015.

Mahlet Fantahun et Zelalem Kibret, deux blogueurs du collectif Zone 9, ainsi que les trois journalistes jugés à leurs côtés pour des infractions liées au terrorisme – Edom Kassaye, Tesfalem Waldeyes et Asmamaw Hailegiorgis – ont été libérés mercredi 8 juillet 2015 et les poursuites à leur encontre abandonnées. Ils étaient en détention depuis plus d’un an. Le journaliste Reeyot Alemu, incarcéré en 2011 et qui purgeait une peine de cinq ans de prison pour des infractions liées au terrorisme, a lui aussi été remis en liberté.

Ces libérations, quoique positives, n'ont que trop tardé. Le bilan de l'Éthiopie en termes d'incarcérations de journalistes est catastrophique. Ce qu'ont fait ces blogueurs et journalistes n'était pas un crime et ils n’auraient jamais dû être arrêtés.

Sarah Jackson, directrice adjointe du programme Afrique de l’Est, Corne de l’Afrique et région des Grands Lacs d’Amnesty International

Les dispositions beaucoup trop larges de la Proclamation antiterroriste de l’Éthiopie sont souvent utilisées pour réduire au silence les voix dissidentes. Depuis son adoption en 2009, cette loi a été utilisée pour poursuivre un nombre disproportionné de membres des partis politiques d’opposition, de journalistes indépendants et de manifestants pacifiques. Beaucoup d’entre eux croupissent toujours en prison.

Quatre autres blogueurs de Zone 9 – Befeqadu Hailu, Atnaf Berahane, Natnael Feleke et Abel Wabela – sont encore derrière les barreaux. Ils ont été arrêtés en avril 2014 et inculpés d’infractions liées au terrorisme en juillet 2014. Les poursuites engagées à leur encontre, ainsi que contre leur collègue Soliana Shimeles (inculpé par contumace), ont toutes les chances de se poursuivre, d’après les articles parus dans les médias d’État.

« Befeqadu, Atnaf, Natnael et Abel doivent être libérés immédiatement et sans condition, et les poursuites engagées contre les blogueurs de Zone 9 abandonnées », a déclaré Sarah Jackson.

« Leur seul “crime” a été d’énoncer des idées nouvelles et de favoriser le débat. Zone 9 doit être autorisé à poursuivre son travail sans que ses membres aient à craindre d’être harcelés. »

De même, Amnesty International demande la libération immédiate et sans condition des journalistes Eskinder Nega et Wubishet Taye, qui, comme beaucoup d’autres, se trouvent toujours en prison après avoir été inculpés d’infractions liées au terrorisme motivées par des considérations politiques.

Les blogueurs de Zone 9 et les journalistes arrêtés avec eux ont porté plainte auprès du tribunal et de la Commission éthiopienne des droits humains, affirmant avoir été torturés et maltraités au début de leur détention, au poste de police de Maikelawi. Amnesty International demande qu’une enquête impartiale soit menée à ce sujet dans les plus brefs délais et que, s’il existe suffisamment de preuves recevables, les responsables présumés soient jugés dans le respect des normes internationales d’équité des procès.

Au moins six leaders étudiants de la région d’Oromia auraient également été libérés mercredi 8 juillet 2015. Adugna Kesso, Tofik Rashid, Lenjisa Alemayo, Abdi Kamal, Magarsa Warqu et Bilisumma Dammana avaient été arrêtés après des manifestations massives en avril et en mai 2014 contre une proposition de « plan-cadre intégré » visant à étendre la capitale, Addis-Abeba, sur le territoire de la région d’Oromia. Les forces de l’ordre avaient usé d’une force injustifiée et excessive contre les manifestants, faisant des dizaines de morts et de blessés. Des milliers de personnes avaient été arrêtées à la suite de ces manifestations.