Les autorités japonaises tentent de se soustraire à l’examen public, en procédant à leur première exécution depuis le début de l’année alors que l’attention du pays est focalisée sur d’autres sujets, a déclaré Amnesty International jeudi 25 juin 2015.
Tsukasa Kanda, 44 ans, a été pendu le 25 juin à l’aube, au centre de détention de Nagoya. Il a été déclaré coupable en 2009 de vol qualifié et d’homicide.
Ôter la vie à un homme dans ces circonstances, c’est de la politique de caniveau.
Hiroka Shoji, chercheuse sur l’Asie de l’Est à Amnesty International
Son exécution a eu lieu alors que le projet controversé du gouvernement de renforcer le rôle de l’armée japonaise retient toute l’attention des médias et du monde politique.
« Alors que le pays regarde ailleurs, les autorités japonaises ont décidé qu’il était opportun d’un point de vue politique de reprendre les exécutions. Ôter la vie à un homme dans ces circonstances, c’est de la politique de caniveau, a déclaré Hiroka Shoji, chercheuse sur l’Asie de l’Est à Amnesty International.
« Le gouvernement préfère éluder un débat franc et ouvert sur le recours à la peine de mort, les arguments qu’il avance ne résistant pas à un examen poussé. »
Le gouvernement japonais maintient que la peine de mort a « un effet dissuasif général », alors qu’il a reconnu que les preuves « scientifiques » venant étayer cette affirmation manquent.
Aucun élément crédible ne prouve en effet que la menace d’exécution a un effet plus dissuasif sur la criminalité qu’une peine de prison. De multiples études menées par l’ONU et dans de nombreuses régions du monde le confirment.
« En procédant à cette exécution, le gouvernement japonais dupe la population. L’homicide cautionné par l’État n’est pas la solution pour combattre le crime, il constitue la violation ultime des droits fondamentaux », a déclaré Hiroka Shoji.
Le Japon compte parmi les 22 pays qui ont procédé à des exécutions en 2014, alors qu’ils étaient 41 il y a 20 ans. Aujourd’hui, 140 États ont aboli la peine de mort en droit ou en pratique. Le Japon et les États-Unis sont les derniers membres du G8 à procéder à des exécutions. Même aux États-Unis, on constate des signes d’une baisse du recours à la peine capitale.
« Le Japon est isolé et en décalage par rapport à la vaste majorité des pays qui ont abandonné ce châtiment, le plus cruel, le plus inhumain et le plus dégradant qui soit, a déclaré Hiroka Shoji.
« Le gouvernement a le choix entre poursuivre sur le chemin de la régression, ou mettre fin aux exécutions et montrer qu’il privilégie les droits humains. »
Cette exécution est la 12e depuis que le gouvernement actuel est entré en fonction en 2012. Trois personnes ont été exécutées en 2014 et 129 se trouvent actuellement dans le quartier des condamnés à mort au Japon.
Les exécutions sont entourées de secret, les prisonniers n’étant le plus souvent informés de cette échéance que quelques heures auparavant ; il arrive également qu’ils ne soient pas prévenus du tout. En général, les familles ne sont averties qu’après l’exécution.
Les experts de l’ONU ont vivement critiqué l’absence de garanties juridiques adéquates pour les personnes sous le coup d’une sentence de mort au Japon, notamment l’impossibilité pour les accusés de bénéficier d’une assistance juridique adéquate et l’absence d’un processus d’appel automatique dans les affaires dans lesquelles l’accusé encourt la peine de mort. On sait également que plusieurs prisonniers présentant des handicaps mentaux ou intellectuels ont été exécutés ou se trouvent dans le quartier des condamnés à mort.
Plusieurs condamnés à mort ont déclaré avoir « avoué » leur crime après avoir subi des actes de torture ou des mauvais traitements au cours d’interrogatoires prolongés, en l’absence d’un avocat, pendant leur garde à vue. Dans certains cas, ces « aveux » ont été retenus à titre de preuve par les tribunaux et constituent la base de leur condamnation.
Amnesty International s’oppose dans tous les cas et sans aucune exception à la peine de mort, indépendamment de la nature et des circonstances du crime commis, de la culpabilité, de l’innocence ou d’autres caractéristiques du condamné, ou encore de la méthode utilisée par l’État pour procéder à l’exécution. La peine capitale bafoue le droit à la vie et constitue le châtiment le plus cruel, le plus inhumain et le plus dégradant qui soit.