En expulsant deux experts d’Amnesty International, les autorités marocaines tentent d’entraver des recherches légitimes sur les droits humains et de museler toute critique dans le pays, a déclaré Amnesty International.
Le 11 juin, la police marocaine a arrêté séparément John Dalhuisen, directeur pour l’Europe et l’Asie centrale à Amnesty International, et Irem Arf, chercheuse sur les droits des migrants et des réfugiés. Tous deux se sont vus confisquer leur passeport et ont été interrogés respectivement au poste de police de Rabat et d’Oujda, avant d’être expulsés, à bord d’un avion pour Londres et via un vol pour Paris.
« Les propos ambitieux du Maroc se targuant d’être un pays ouvert ont été réduits à néant par ses actes, a déclaré Anna Neistat, directrice générale chargée des recherches à Amnesty International.
« La décision d’expulser du Maroc ces deux chercheurs d’Amnesty International, alors qu’ils commençaient leurs investigations sur la situation des droits des migrants et des réfugiés, incite à penser que les autorités ont quelque chose à cacher. »
L’équipe d’Amnesty International a été expulsée alors qu’elle avait informé les autorités de son projet de visite. Amnesty International a reçu en mai, lors d’une rencontre avec des représentants de l’État marocain, des assurances verbales et écrites qu’elle pouvait se rendre dans le pays sans être tenue d’obtenir des autorisations préalables. John Dalhuisen et Irem Arf sont arrivés au Maroc lundi 8 juin, pour une mission d’enquête sur la situation des migrants et des réfugiés à la frontière nord du Maroc avec l’Espagne.
La police marocaine a interpellé Irem Arf et son traducteur vers 11h40 à Oujda. Son passeport a été confisqué et elle a été interrogée pendant des heures, notamment sur les personnes qu’elle avait l’intention de rencontrer. Elle a ensuite été informée qu’elle devait quitter le pays. Vers 14 heures, elle a été conduite à l’aéroport, où elle est restée sous la surveillance de la police jusqu’à ce qu’elle monte à bord d’un avion à destination de Paris, dans la soirée.
John Dalhuisen a été arrêté à son hôtel, dans la capitale Rabat, vers midi. Il a été conduit au poste, où il a été interrogé poliment, mais pendant plus de quatre heures. Il a alors fait l’objet d’un ordre d’expulsion, qui mentionnait comme motif officiel « une menace à l’ordre public » et lui interdisait de revenir dans le pays.
Ce n’est pas la première fois que le travail d’Amnesty International au Maroc est entravé ces derniers mois. En septembre 2014, les autorités ont interdit un camp de jeunes et refusé l’entrée à une délégation d’enquête le mois suivant. Amnesty International a annulé une deuxième mission prévue en novembre 2014, les autorités marocaines ayant cherché à imposer des conditions sur son déroulement.
Par le passé, Amnesty International s’était vue refuser l’accès au Maroc pendant trois ans, de 1990 à 1993. Depuis, elle n’avait fait l’objet d’aucune restriction concernant l’entrée sur le territoire, jusqu’en octobre 2014.
Les relations entre Amnesty International et les autorités marocaines connaissent une nette dégradation depuis le lancement de la campagne internationale Stop Torture, en 2014, dans laquelle Amnesty International dénonce l’usage courant de cette pratique au Maroc.
« Les efforts des autorités marocaines visant à entraver le travail d’Amnesty International dans le pays et ses enquêtes sur des atteintes aux droits humains présumées, s’inscrivent dans un renforcement des restrictions imposées aux organisations locales de défense des droits humains, a déclaré Anna Neistat.
« Au lieu de nous expulser, les autorités marocaines devraient montrer qu’elles n’ont rien à cacher, en permettant aux chercheurs sur les droits humains d’entrer librement en contact avec les personnes les plus exposées aux violations de ces droits. »