Burundi. Il faut mettre fin au harcèlement dont sont victimes les défenseurs des droits humains à l’approche des élections

Pierre-Claver Mbonimpa, défenseur des droits humains au Burundi. Photo : JEAN PIERRE AIME

Amnesty International a lancé jeudi 30 avril 2015 une nouvelle campagne en solidarité avec les défenseurs des droits humains burundais, qui sont l’objet d’actes d’intimidation et de harcèlement à l’approche de l’élection présidentielle prévue dans le pays en mai.

Cette campagne, intitulée Komera, Turikumwe (Courage, nous sommes avec vous), dénonce la répression croissante dont sont victimes les défenseurs des droits humains et les voix dissidentes de la part des autorités, en particulier depuis l’annonce, le 25 avril 2015, de la candidature du président burundais Pierre Nkurunziza à un troisième mandat.

« À l’approche des élections, et tandis que se poursuivent les manifestations contre la décision du parti au pouvoir de désigner Pierre Nkurunziza comme candidat, les autorités ne cessent de harceler les défenseurs des droits humains et ne mènent pas d’enquêtes sur les menaces sont ils font l’objet », a déclaré Sarah Jackson, directrice adjointe du programme Afrique de l’Est d’Amnesty International.

Avec cette campagne, les membres d’Amnesty International et le grand public vont témoigner leur solidarité aux militants burundais, dont la sécurité est aujourd’hui de plus en plus menacée.

Sarah Jackson, directrice adjointe du programme Afrique de l’Est d’Amnesty International

« Avec cette campagne, les membres d’Amnesty International et le grand public vont témoigner leur solidarité aux militants burundais, dont la sécurité est aujourd’hui de plus en plus menacée. »

Dans le cadre de sa campagne, Amnesty International sensibilisera chaque semaine à la situation d’un défenseur des droits humains en particulier et mènera des actions en direction des autorités. Des messages de solidarité seront notamment envoyés par les membres d’Amnesty International, et des actions médiatiques seront menées pour exiger que cesse le harcèlement des défenseurs des droits humains.

Plusieurs militants de premier plan sont confrontés à de longues procédures judiciaires au Burundi, ce qui restreint leur liberté d’action et leur capacité à effectuer librement leur travail en faveur des droits humains.

C’est le cas par exemple de Pierre Claver Mbonimpa, président de l’Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH), et de Bob Rugurika, directeur de la Radio publique africaine (RPA).

Pierre Claver Mbonimpa a été arrêté le 15 mai 2014 après avoir dit à la radio que des jeunes hommes recevaient des armes et des uniformes et se rendaient en République démocratique du Congo voisine afin d’y suivre un entraînement militaire. Il a été inculpé d’atteinte à la sûreté de l’État et d’usage de faux.

Il a été libéré pour raisons médicales en septembre 2014, mais son procès n’a toujours pas eu lieu et il n’a pas le droit de quitter la capitale, Bujumbura. Lundi 27 avril 2015, il a été de nouveau arrêté par la police à la Maison de la Presse, à Bujumbura. Détenu par les Services de renseignement, il n’a été relâché que le lendemain après-midi. Quant à la Maison de la presse, elle est toujours fermée.

En outre, le 26 avril, les autorités ont interdit aux radios privées indépendantes RPA, Bonesha FM et Radio Isanganiro d’émettre en dehors de Bujumbura. Le lendemain, elles ont fermé les locaux de la RPA.

Les autorités burundaises avaient déjà arrêté Bob Rugurika, directeur de la RPA, le 20 janvier 2015, à la suite de la diffusion par cette radio d’informations complémentaires sur le meurtre de trois religieuses italiennes en septembre 2014.

Il est resté en détention jusqu’au 19 février 2015, date à laquelle il a été libéré sous caution. Il n’a pas le droit de quitter le pays sans autorisation.

« Dans un pays où les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique sont sérieusement menacés, il ne faut pas sous-estimer le rôle des défenseurs des droits humains », a déclaré Sarah Jackson.

« Ces militants vivent sous la menace constante des arrestations et des actes d’intimidation, de harcèlement et de violence, mais ils continuent de faire leur travail avec un courage remarquable face à l’adversité. »

D’autres défenseurs des droits humains sont couramment harcelés par les autorités burundaises.

Le 24 mars 2015, des policiers ont encerclé l’habitation de Maître Armel Niyongere, éminent avocat qui défend Pierre Claver Mbonimpa. N’ayant pas de mandat, ils n’ont pas pu pénétrer à l’intérieur.

Le 10 avril 2015, à Bujumbura, une grenade a été lancée contre la maison du journaliste Égide Ndayisenga, qui avait récemment dénoncé un possible coup monté dans la désignation d’un suspect après la découverte d’une cache d’armes. Il avait aussi évoqué le cas de citoyens qui ne voulaient pas voter pour leurs parlementaires locaux.

La police enquête sur l’attaque à la grenade mais personne n’a encore été arrêté.

Amnesty International a déjà exprimé à plusieurs reprises sa préoccupation face à la détérioration de la situation des droits humains au Burundi, notamment en ce qui concerne les droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association. Elle a prié instamment le gouvernement burundais de respecter pleinement ces libertés.

À propos de la campagne

La campagne Komera Turikumwe mettra un coup de projecteur sur le travail des défenseurs des droits humains menacés pendant la période électorale au Burundi.

Elle est menée en solidarité avec ces défenseurs et exige l’arrêt immédiat des actes de harcèlement à leur encontre.

Dans son rapport de 2014 intitulé Burundi. Le verrouillage, Amnesty International a recensé des violations des droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique commises par le gouvernement burundais.

Ce rapport dénonce des cas de harcèlement de défenseurs des droits humains et de membres de l’opposition pris pour cibles par des membres des autorités burundaises ou du parti au pouvoir.