Myanmar. Une décision de justice porte un nouveau coup à la liberté d’expression

La déclaration de culpabilité et la peine d’emprisonnement prononcées mardi 17 mars à l’encontre de deux gérants et du propriétaire d’un bar au Myanmar pour avoir publié une image de Bouddha portant un casque audio doivent être annulées immédiatement, a déclaré Amnesty International. Cette décision de la justice birmane reflète le climat croissant d’intolérance religieuse dans le pays. 

Les Birmans Tun Thurein et Htut Ko Ko Lwin ainsi que le Néo-Zélandais Philip Blackwood ont tous trois été condamnés mardi 17 mars pour « insulte à la religion ». Les charges retenues contre eux remontent à décembre 2014, lorsqu’une image de Bouddha a été utilisée pour faire la promotion en ligne de leur bar à Yangon (ex-Rangoon). 

« Il est ridicule que ces trois hommes aient été emprisonnés simplement pour avoir publié sur Internet une image faisant la promotion d’un bar. Ils doivent être libérés immédiatement et sans condition », a déclaré Rupert Abbott, directeur de recherches du programme Asie du Sud-Est et Pacifique d’Amnesty International. 

« Le jugement prononcé aujourd’hui porte un nouveau coup à la liberté d’expression au Myanmar. Si le droit international relatif aux droits humains autorise certaines restrictions au droit à la liberté d’expression, ces restrictions sont clairement définies et encadrées. Il est évident que les charges retenues contre les trois hommes et les poursuites dont ils ont fait l’objet ne respectent pas ces critères. » 

Ces dernières années, le Myanmar a connu une augmentation inquiétante de l’intolérance religieuse, souvent alimentée par des groupes nationalistes bouddhistes radicaux. Ce phénomène a pour conséquence d’accroître l’hostilité et les discriminations à l’encontre des personnes non bouddhistes, en particulier la population musulmane. 

« Le rétrécissement de l’espace alloué à la liberté religieuse au Myanmar est alarmant, à l’instar de l’influence grandissante du discours des groupes nationalistes bouddhistes radicaux. Les autorités devraient faire tout leur possible pour inverser cette tendance au lieu d’envenimer la situation en engageant des poursuites dans ce genre d’affaires », a déclaré Rupert Abbott.

Complément d’information

La procédure engagée contre Tun Thurein, Htut Ko Ko Lwin et Philip Blackwood intervient dans un climat où les tensions religieuses sont de plus en plus exacerbées au Myanmar. Des ONG nationales et internationales ont exprimé leurs inquiétudes au sujet de groupes bouddhistes radicaux qui utilisent un langage violent pour inciter à l’hostilité, à la violence et à la discrimination.  Malgré cela, les autorités n’ont pas encore pris de mesures concrètes pour faire face à l’utilisation croissante de discours de haine. 

Le 4 décembre 2014, l’écrivain Htin Lin Oo avait également été accusé d’avoir « insulté la religion » par le tribunal de la municipalité de Chaung-U, dans la région de Sagaing, après avoir critiqué dans un discours prononcé lors d’un événement littéraire l’utilisation du bouddhisme comme outil de discrimination. Son procès est en cours et il risque jusqu’à trois ans d’emprisonnement.