Des propositions de modification du Code pénal espagnol, qui augmenteraient le nombre d’infractions relevant du « terrorisme » pour y inclure des définitions vagues et des catégories trop étendues, porteraient atteinte aux droits les plus fondamentaux, a déclaré Amnesty International avant un débat devant se tenir au Parlement mardi 10 février.
« La définition du terrorisme qui est proposée recouvre tellement d’infractions qu’elle est presque vidée de sens. Le Parlement doit rejeter toute proposition qui violerait des droits parmi les plus fondamentaux », a déclaré Julia Hall, spécialiste de la question de la lutte antiterroriste et des droits humains pour Amnesty International.
« Il semble que toutes sortes d’actes, allant de certaines formes d’expression et d’association au piratage informatique, en passant par des voyages, pourraient être qualifiés de terroristes et donner lieu à des poursuites. La définition proposée est trop large et certains éléments sont si vagues que même un juriste chevronné aurait des difficultés à déterminer de manière précise ce qui constitue un acte terroriste. »
« Ce dont l’Espagne a besoin pour combattre le terrorisme est tout le contraire : une définition exacte et précise sur le plan juridique des infractions qui constituent des actes terroristes. Toute nouvelle mesure doit être nécessaire et proportionnée à la menace réelle. »
Les modifications proposées, si elles sont adoptées, pourraient menacer les droits à la liberté d’expression et d’association, la présomption d’innocence, le droit de circuler librement, le droit à la vie privée, et le droit de quitter son propre pays et d’y revenir.
« Au lendemain des attaques de Paris et de l’intensification des programmes antiterroristes à travers l’Europe, les gouvernements doivent rester vigilants et veiller à ce que leurs efforts visant à déjouer de futurs attentats ne se fassent pas au dépens des droits humains », a déclaré Julia Hall.
« Le respect des droits humains est essentiel au maintien de la sécurité et n’est pas un obstacle à la protection de la population. »
Parmi les nombreuses modifications qui doivent être débattues figure l’élargissement de la définition du terrorisme de sorte à y inclure des actes tels que : les « perturbations » de l’ordre public ; la « résistance » aux autorités publiques ; et l’« irresponsabilité », notamment le fait de soutenir une entreprise terroriste sans le savoir.
Une des nouvelles dispositions érigerait en infraction le fait de se rendre, ou de prévoir de se rendre, hors d’Espagne dans le but de collaborer avec des groupes extrémistes ou de s’entraîner auprès d’eux, même si la formation en question n’a pas lieu ou si aucun acte considéré comme terroriste n’est commis. Le partage d’informations, notamment fournies par des services secrets étrangers, fait craindre que des éléments de preuve arrachés sous la torture ne soient transmis et utilisés à des fins de renseignement.
Faire sur les médias sociaux une déclaration pouvant être perçue comme incitant autrui à commettre de violentes attaques serait désormais illégal en Espagne, même si cette déclaration ne peut être directement liée à un acte violent.
Les sanctions prévues en cas de « justification » du terrorisme, une infraction qui existe déjà et recouvre l’« humiliation » des victimes du terrorisme et de leur famille, seraient alourdies. Figureraient parmi les circonstances aggravantes la dissémination de messages sur Internet ou par l’intermédiaire des médias.