Chine. Le procès secret d’un universitaire ouïghour est une parodie de justice

Le procès secret d’un universitaire ouïghour accusé de « séparatisme » ôte toute valeur aux affirmations de la Chine selon lesquelles le pays est fondé sur l’état de droit, a déclaré Amnesty International. Selon le South China Morning Post, Ilham Tohti, universitaire ouïghour influent arrêté en janvier 2013, aurait été jugé en secret par un tribunal du Corps de production et de construction du Xinjiang, une organisation semi-militaire. S’il est déclaré coupable, il encourt une peine allant de 10 ans de prison à la réclusion à perpétuité, voire la peine capitale. « Si les informations faisant état d’un “procès secret” sont avérées, l’image présentée par la Chine, qui se dit être un pays fondé sur l’état de droit, sera de nouveau mise à mal. Ilham Tohti est détenu au secret depuis six mois sans pouvoir consulter d’avocat, ce qui va clairement à l’encontre du droit international relatif aux droits humains », a déclaré William Nee, spécialiste de la Chine au sein d’Amnesty International. « Alors que la violence grandit dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, il est difficile de comprendre pourquoi les autorités voudraient s’en prendre à un intellectuel ouïghour influent, connu pour son engagement en faveur de la non-violence et du dialogue entre les groupes ethniques. Les tentatives incessantes des autorités pour réduire Ilham Tohti au silence et l’emprisonner sont à replacer dans le contexte plus large de la répression généralisée contre les Ouïghours. » Mardi 17 juin, Li Fangping, l’avocat d’Ilham Tohti, a déclaré au South China Morning Post qu’il avait reçu des informations sur ce procès secret de la part de deux sources, mais que les autorités refusaient de les confirmer ou de les infirmer. Ilham Tohti, fondateur du site Uighur Online et franc détracteur des politiques de l’État chinois relatives aux Ouïghours, se trouverait actuellement dans un centre de détention d’Urumqi, capitale de la région autonome ouïghoure du Xinjiang. Des agents de la sécurité publique se sont rendus chez lui à Pékin le 25 janvier 2014 et l’ont emmené. Il a passé près de six mois en détention mais son avocat n’a toujours pas été autorisé à lui rendre visite. Une réaction sévère contre le « terrorisme » Le procès secret d’Ilham Tohti a eu lieu sur fond de campagne de répression sévère contre le terrorisme, lancée par les autorités chinoises le 23 mai, au lendemain d’un attentat à la bombe perpétré sur un marché d’Urumqi qui a fait 39 morts et 94 blessés. La réaction des autorités chinoises à la récente vague d’attentats violents pour lesquels des groupes ouïghours seraient soupçonnés est très inquiétante. Des suspects ont été rassemblés et jugés en masse à une telle vitesse que l’on peut se poser de sérieuses questions quant à l’équité des procès. « La réaction dure et politisée envers tout Ouïghour émettant des critiques pacifiques contre le gouvernement, sans parler de toutes les autres personnes appartenant au Mouvement des nouveaux citoyens, exclut fondamentalement toute possibilité de dialogue constructif », a expliqué William Nee. Complément d’information Le Parti communiste semble avoir reconnu la nécessité de se pencher sur de nombreux sujets qui préoccupent depuis longtemps la population de la région autonome ouïghoure du Xinjiang, tels que le taux de chômage au sein des minorités ethniques, le partage des ressources naturelles et le besoin de compréhension mutuelle et de solidarité ethnique. Bien que le Parti communiste ait affirmé que la politique ethnique menée dans le Xinjiang est « correcte », des signes subtils de réajustement sont néanmoins apparus. Le 28 mai, le Parti a organisé son deuxième Forum central du travail sur la région autonome ouïghoure du Xinjiang et a confirmé son engagement en faveur des objectifs généraux de maintien de la stabilité sociale et de gouvernance et de paix durables. Si la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme religieux a été réaffirmée, l’accent a également été mis sur l’emploi, le développement, l’éducation, l’amélioration des infrastructures et la solidarité ethnique. Il a été souligné qu’il est nécessaire que les différents groupes ethniques « se comprennent, se tolèrent, s’apprécient et se respectent mutuellement et s’entraident » et que, dans le même temps, chaque groupe ethnique devrait « bâtir une conscience nationale, une conscience citoyenne, et une conscience chinoise… ».