Soudan. Une femme sous le coup d’une condamnation à mort en raison de sa religion doit être relâchée

Une Soudanaise en fin de grossesse qui encourt la peine de mort par pendaison pour « apostasie » et une peine de flagellation pour « adultère » doit être relâchée immédiatement et sans condition, a déclaré Amnesty International alors qu’une décision doit être rendue jeudi 15 mai. Meriam Yehya Ibrahim, enceinte de huit mois, est actuellement maintenue en détention avec son fils de 20 mois. « Le fait qu’une femme puisse être condamnée à mort en raison de ses convictions religieuses et à la flagellation parce qu’elle a épousé un homme d’une religion présumée différente est odieux et ne devrait même pas poser question. L’« adultère » et l’« apostasie » sont des actes qui ne devraient pas être érigés en infraction et qui, a fortiori, ne satisfont absolument pas à la définition de « crimes les plus graves » du droit international en ce qui concerne l’application de la peine capitale. C’est une violation flagrante du droit international relatif aux droits humains », a déclaré Manar Idriss, chercheuse d’Amnesty International sur le Soudan. Dimanche 11 mai, Meriam Yehya Ibrahim, Soudanaise chrétienne, a été reconnue coupable d’« apostasie » par un tribunal de Khartoum, qui lui a laissé trois jours pour renoncer à sa foi. Sinon, elle encourt la peine de mort. Cette femme a également été déclarée coupable d’« adultère » au motif que son mariage avec un chrétien du Soudan du Sud est considéré comme nul au regard de la charia (droit musulman) appliquée au Soudan, et pourrait recevoir jusqu’à 100 coups de fouet à titre de sanction. Meriam a été élevée dans la foi orthodoxe, la religion de sa mère, car son père, de confession musulmane, était, d’après les informations dont on dispose, absent pendant son enfance. Elle a été arrêtée et inculpée d’adultère en août 2013, un membre de sa famille ayant apparemment affirmé qu’elle commettait l’adultère en s’étant mariée avec un chrétien du Soudan du Sud. Le tribunal a ajouté le chef d’inculpation d’apostasie en février 2014, lorsque Meriam a déclaré qu’elle était chrétienne et non musulmane. « Amnesty International considère Meriam comme une prisonnière d’opinion, déclarée coupable en raison uniquement de ses convictions et de son identité religieuses. Elle doit être remise en liberté immédiatement et sans condition, a déclaré Manar Idriss. « Le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, qui implique le droit d’avoir des convictions, est très vaste : il incorpore la liberté d’opinion sur tous les sujets, de conviction personnelle et d’adoption d’une religion ou d’une croyance. « Le droit international interdit la contrainte pouvant porter atteinte au droit d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction, y compris le recours ou la menace de recours à la force physique ou à des sanctions pénales pour obliger des croyants ou des non-croyants à adhérer à des convictions, à abjurer leur conviction ou leur religion ou à se convertir. » L’incrimination de l’« adultère » enfreint le droit à la liberté d’expression et d’association, et crée inévitablement une discrimination envers les femmes dans la pratique. En outre, le fait d’ériger l’« apostasie » en infraction est incompatible avec le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Amnesty International s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances, sans exception. Pour obtenir de plus amples informations, veuillez vous adresser à Stefan Simanowitz, au +44 (0) 20 7413 5729 ou 07721398984, [email protected]. Complément d’information 1. L’apostasie est le fait pour une personne d’abjurer sa religion, de l’abandonner ou d’y renoncer. 2. Amnesty International considère la peine de mort comme le châtiment le plus cruel, le plus inhumain et le plus dégradant qui soit, ainsi qu’une violation du droit à la vie. L’organisation s’oppose à son application en toutes circonstances, sans exception, quelles que soient la nature du crime commis. Le droit international, dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel le Soudan est partie, limite le recours à la peine capitale aux « crimes les plus graves », interprétés par les instances internationales comme des crimes impliquant des homicides volontaires. 3. La charia est officiellement incorporée dans le Code pénal soudanais, notamment à l’article 126, qui dispose : « (1) Quiconque préconise le renoncement à l’islam ou y renonce publiquement par des déclarations ou des actes explicites est considéré comme commettant le crime de riddah [apostasie]. (2) Quiconque commet le crime d’apostasie devra se repentir pendant une période déterminée par le tribunal, ou, si cet individu persiste dans son crime et ne se convertit pas, sera condamné à mort. (3) La peine pour apostasie sera annulée si l’apostat renie sa foi avant l’exécution. » L’article 146 relative aux sanctions pour adultère dispose : (1) Quiconque commet le crime d’adultère sera : (a) exécuté par lapidation si l’auteur du crime est marié ; (b) puni de 100 coups de fouet si l’auteur du crime n’est pas marié. » 4. À la connaissance d’Amnesty International, personne n’a été exécuté pour apostasie au Soudan depuis l’adoption de ce Code pénal en 1991, mais bon nombre des accusés ont vu les charges pesant sur eux abandonnées ou leur déclaration de culpabilité annulée après avoir renié leur foi.