Tadjikistan. Il ne faut pas réduire les groupes militants dissidents au silence

Dans une affaire qui semble sous-tendue par des motifs politiques, les autorités tadjikes ont ordonné la fermeture de l’association de jeunes avocats Amparo, une organisation non gouvernementale (ONG), amenant Amnesty International à appeler de nouveau à ce que les militants de la société civile ne soient pas la cible d’actes de harcèlement et d’intimidation. Deux autres ONG risquent également des sanctions immédiates. Amnesty International pense qu’Amparo est victime de représailles pour avoir tenté de recueillir et de rendre publiques des informations portant sur des actes de torture et d’autres mauvais traitements infligés à de jeunes hommes ayant l’âge d’effectuer le service militaire et sur le traitement qu’ils ont subi dans l’armée. « La fermeture de cette organisation de défense des droits humains reconnue sous le prétexte d’”irrégularités administratives” jette largement le doute sur la véritable nature de l’engagement du Tadjikistan en faveur de la promotion et de la protection de la liberté d’expression et d’association », a déclaré David Diaz-Jogeix, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International. En octobre 2012, le tribunal de Khoudjand, une ville de la région de Soghd (nord du pays), a statué que l’association Amparo devait être fermée pour avoir enfreint un certain nombre de dispositions législatives. Les représentants d’Amparo ont interjeté appel de cette décision et la procédure est en cours. Si Amparo perd, l’association devra immédiatement cesser ses activités. « Une fermeture forcée de l’organisation serait de mauvais augure pour l’ensemble de la communauté des défenseurs des droits humains et pour les personnes dont les droits fondamentaux ont été bafoués au Tadjikistan, en particulier parce qu’il s’agirait d’un affaiblissement de l’engagement du gouvernement envers la défense des valeurs de la liberté d’expression et d’association », a affirmé David Diaz-Jogeix. Deux autres ONG de la région de Soghd risquent également d’être fermées pour la même raison. Les travaux de ces deux organisations, Grajdanskoïe Obchestvo (Société civile) et Aktsent (Accent), portent sur l’éducation civique et les droits électoraux. Grajdanskoïe Obchestvo a appris en novembre que le département régional de la Justice avait déposé une plainte auprès du tribunal local demandant la liquidation du groupe pour « infractions administratives ». La première audience a eu lieu jeudi 22 novembre et l’organisation a ajourné toutes ses activités en raison des poursuites. D’autre part, les locaux d’Aktsent à Khoudjand ont reçu, en novembre 2012, la visite d’agents du gouvernement qui ont contrôlé les activités de l’organisation et les documents relatifs à son fonctionnement et ont déclaré qu’elle semblait avoir enfreint des dispositions législatives. L’organisation craint d’être fermée elle aussi. Les derniers événements sont considérés comme faisant partie des tentatives du gouvernement pour limiter la liberté d’expression et d’association au Tadjikistan. Les groupes et les individus perçus comme étant critiques à l’égard de représentants du gouvernement ont déjà été la cible d’actes d’intimidation par le passé. Avant la décriminalisation de la diffamation, plus tôt cette année, plusieurs d’entre eux étaient menacés de procès pénal pour ce motif. « Il faut en finir avec le harcèlement incessant d’organisations de la société civile. Les mesures administratives ne devraient pas être utilisées dans le but de réduire au silence les voix perçues comme étant critiques envers le gouvernement. Cela va à l’encontre de l’esprit du décret présidentiel décriminalisant la diffamation », a expliqué David Diaz-Jogeix. « Les autorités tadjikes doivent veiller à ce que les militants de la société civile soient en mesure de mener à bien leur action sans interférence ni harcèlement, conformément aux obligations du pays découlant du droit international. « Les militants de la société civile jouent un rôle de veille essentiel et il importe qu’ils puissent initier un dialogue critique et constructif, que les autorités devraient accueillir favorablement et encourager. » Pour en savoir plus sur la situation des droits humains au Tadjikistan, notamment sur les pressions exercées envers les personnes qui dénoncent cette situation, vous pouvez consulter le rapport Shattered Lives: torture and other ill-treatment in Tajikistan, EUR 60/004/2012, et le document de synthèse No Justice, No protection: Torture and other ill-treatment by law enforcement officials in Tajikistan, EUR 60/005/2012.