Mozambique. Des milliers de personnes sont détenues illégalement dans des conditions déplorables

Des milliers de personnes sont détenues dans les prisons du Mozambique alors qu’elles n’ont été reconnues coupables d’aucune infraction, écrit Amnesty International dans un rapport rendu public jeudi 22 novembre, qui montre que de nombreux détenus sont arrêtés pour des motifs fallacieux et incarcérés pendant des années sans pouvoir consulter un avocat. Intitulé Locking up my rights: Arbitrary arrest, detention and treatment of detainees in Mozambique, ce rapport décrit comment les personnes appartenant à des groupes défavorisés risquent tout particulièrement d’être enfermées pendant des mois, parfois des années, dans des conditions déplorables et des cellules surpeuplées, sans avoir commis la moindre infraction. Le rapport, fruit d’une collaboration entre Amnesty International et la ligue des droits humains du Mozambique, montre également que, dans la plupart des cas, ces personnes économiquement défavorisées ne sont pas informées de leurs droits, ni en mesure de les comprendre, et qu’elles ne peuvent pas payer les services d’un avocat et sont donc invariablement représentées par des gens non qualifiés ou des avocats peu qualifiés. Elles sont par ailleurs rarement remises en liberté en attente de leur procès. Amnesty International a notamment constaté qu’une personne se trouvait dans une prison de sécurité maximale depuis 12 ans sans jamais avoir été condamnée ni avoir comparu en justice. Cet homme n’aurait pas non plus été formellement accusé.* « La conception du Mozambique en matière de justice est pour le moins hasardeuse, et a surtout entraîné “l’oubli” de centaines de détenus dans le système. Ces derniers dépérissent dans les prisons et n’ont aucune possibilité ni droit de trouver un recours », a déclaré Muluka-Anne Miti, spécialiste du Mozambique à Amnesty International. « Parfois, les dossiers des détenus ont été perdus. Dans d’autres cas, on y constate de graves contradictions. » Selon la législation du Mozambique, tous les détenus doivent comparaître devant un juge compétent dans les 48 heures suivant l’arrestation, afin que ce juge contrôle si l’arrestation est légale ou non. Par ailleurs, tout détenu doit pouvoir consulter un avocat gratuitement. Dans la plupart des cas, ces garanties ne sont pas respectées. « Nous avons rencontré des détenus, dont certains étaient mineurs, qui ont été arrêtés alors que rien ne les incriminait particulièrement, et sans preuve suffisante qu’une infraction avait été commise », a ajouté Muluka-Anne Miti. Ana Silvia (le nom a été modifié) avait 15 ans lorsqu’elle a été arrêtée pour le meurtre de sa mère, alors que rien n’indiquait que la mort de cette dernière ait été suspecte, ni qu’Ana Silvia ait eu un quelconque rapport avec cette mort. Par ailleurs, aucune autopsie n’a été effectuée. Ana Silvia a raconté à Amnesty International qu’après avoir été accusée par les policiers d’avoir tué sa mère, ces derniers ont demandé à son père s’ils pouvaient la battre afin de lui extorquer des aveux. Son père a refusé mais Ana Silvia a été incarcérée. Amnesty International a rencontré plusieurs mineurs qui affirmaient, et paraissaient, être âgés de moins de 16 ans. Les autorités carcérales ont déclaré qu’il appartenait aux détenus de prouver leur âge. Mais seule une minorité de personnes au Mozambique possèdent des certificats de naissance. Les familles pauvres sont rarement en possession de ce type de documents. Dans la prison de Nampula, Amnesty International a rencontré des détenus âgés de 16 ans qui n’avaient droit à aucune représentation légale. Dans d’autres prisons, des mineurs qui n’avaient pas été condamnés étaient détenus dans une même cellule, très sale surpeuplée, que des adultes. En général, les prisons du Mozambique sont surpeuplées et présentent des conditions sanitaires déplorables. Les soins médicaux sont insuffisants et les possibilités de formation sont rares. Elles sont nulles pour ceux qui n’ont pas été encore jugés. Dans la prison de Nampula, Amnesty International a constaté que 196 personnes étaient entassées dans une cellule de 14 mètres sur 6. Les détenus étaient accroupis, leurs épaules se touchaient. C’était la seule façon de les faire tenir dans cette pièce. « L’accès à la justice au Mozambique est systématiquement refusé aux personnes défavorisées, a déclaré Muluka-Anne Miti. Les prisons sont peuplées de pauvres en attente de procès qui n’ont pas été renseignés sur leurs droits et n’ont pas reçu d’assistance juridique. » « Au Mozambique, l’appareil judiciaire ne fonctionne tout simplement pas pour les pauvres. Ceux-ci peuvent dépérir pendant des années sans que les autorités ne le sachent ou y prêtent une quelconque attention. » « La finalité du système pénal est d’assurer la justice. En conséquence, ceux qui n’ont pas commis d’infraction ne doivent pas être détenus. C’est illégal. Les autorités du Mozambique doivent jouer leur rôle plus sérieusement. » Note aux rédacteurs

Jose Capitine Cossa a été relâché en septembre 2012 après un appel lancé par Amnesty International et la ligue des droits humains du Mozambique. Le procureur général a admis que sa détention était irrégulière.38 % des prisonniers du Mozambique sont en attente de jugement (soit approximativement 6 415 détenus sur une population carcérale totale d’environ 16 881 personnes).En juillet 2012, Amnesty International a envoyé un document au procureur général pour lui demander expressément d’examiner les affaires mises en évidence par ses recherches. En réponse à ce document, 4 personnes ont été libérées après constat d’irrégularités dans leur détention. Une personne a été jugée et acquittée. Le procureur général a indiqué qu’il n’avait aucun élément sur 9 affaires décrites dans le document et 13 personnes sont restées en détention prolongée, dans l’attente d’un procès.