Les autorités israéliennes doivent libérer un prisonnier d’opinion palestinien détenu en Cisjordanie

Les autorités militaires israéliennes doivent mettre un terme à leur campagne de harcèlement, d’intimidation et de détention arbitraire ciblant un militant palestinien en Cisjordanie occupée, a déclaré Amnesty International. Bassem Tamimi, incarcéré depuis qu’il a été arrêté le 24 octobre lors d’une manifestation pacifique contre l’empiètement de colons israéliens sur des terres palestiniennes, comparaîtra le 7 novembre devant le tribunal militaire d’Ofer. Il risque une nouvelle peine d’emprisonnement. « Une nouvelle fois, Bassem Tamimi est détenu uniquement pour avoir exercé sans violence son droit à la liberté d’expression et de réunion. Cet homme est un prisonnier d’opinion, il doit être libéré immédiatement et sans condition », a déclaré Ann Harrison, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International. Bassem Tamimi a été arrêté le 24 octobre à la suite d’une manifestation pacifique dans un supermarché de la colonie de Shaar Benjamin, au nord de Ramallah. Plus de 100 personnes s’étaient rassemblées pour réclamer la fin de l’occupation et le boycott de tous les produits israéliens. Bassem Tamimi est inculpé d’avoir agressé un policier, participé à un rassemblement non autorisé et mené des activités portant atteinte à l’ordre public. S’il est déclaré coupable des deux dernières « infractions », il devra purger une ou plusieurs peines avec sursis auxquelles il avait été condamné lors d’un précédent procès, à savoir deux mois pour avoir participé à un défilé non autorisé et 17 mois pour « activités portant atteinte à l’ordre public ». Après avoir visionné des vidéos de la manifestation, le juge militaire a décidé qu’il devait être assigné à domicile pendant la durée de son procès. Le parquet militaire ayant fait appel de cette décision, Bassem Tamimi demeure incarcéré à la prison d’Ofer. Il a déjà été condamné en mai 2012 à une peine de 13 mois de prison pour son rôle dans l’organisation de manifestations hebdomadaires non violentes contre les colonies israéliennes en Cisjordanie. Amnesty International l’avait alors considéré comme un prisonnier d’opinion et avait demandé sa libération immédiate et sans condition. La mise en place et le maintien de colonies israéliennes en Cisjordanie occupée violent le droit international humanitaire. Une arrestation violente D’après des témoins et les médias, le 24 octobre, alors que les manifestants quittaient le supermarché, ils ont été frappés par des policiers et des membres des forces de sécurité israéliennes, qui ont également tiré des grenades assourdissantes. Nariman Tamimi, l’épouse de Bassem, présente à la manifestation, a raconté à Amnesty International : « La police s’est montrée brutale lors de l’interpellation. Ils ont jeté Bassem au sol et l’ont maintenu fermement à terre tout en lui passant les menottes. Tous ceux qui tentaient de les approcher étaient roués de coups. Les policiers semblaient apeurés et angoissés. Ils voulaient en finir rapidement avec ces arrestations. » Bien que la police ait recouru à une force inutile et excessive, le parquet militaire a inculpé Bassem Tamimi de coups et blessures, en se fondant sur le témoignage d’un policier qui affirme que le militant l’a frappé sur la main. Amnesty International s’est entretenue avec des témoins et a visionné de nombreuses vidéos filmées lors de la manifestation. Elle n’a rien vu qui laisse à penser que Bassem Tamimi ou les autres manifestants aient fait usage de la violence. Partisan de la résistance non violente, Bassem Tamimi compte de nombreuses manifestations pacifiques à son actif. Un autre manifestant palestinien, aujourd’hui en liberté sous caution, a été accusé d’infractions similaires. Bassem Tamimi a pu contacter son épouse après avoir été arrêté. Voici son témoignage : « Il avait encore son portable sur lui, il m’a dit qu’il se trouvait dans une cellule, quelque part, et qu’il avait la sensation d’avoir quelque chose de cassé au niveau de la poitrine ; il m’a dit ” Je ne peux pas bouger ni respirer et je suis épuisé “. Ensuite, ils lui ont pris son téléphone et nous n’avons pas pu poursuivre. » L’empiètement des colons Bassem Tamimi est originaire du village d’al Nabi Saleh, à 21 kilomètres au nord-ouest de Ramallah, en Cisjordanie. En juillet 2008, les Israéliens de la colonie voisine d’Halamish ont commencé à utiliser la source de Qaws, située sur les terres d’al Nabi Saleh et utilisée pour irriguer les cultures dans ce village et dans celui de Deir Nitham. En février 2009, les colons ont commencé à construire des installations sur le site de la source. Les Palestiniens se sont plaints que ces constructions se trouvaient sur des terres palestiniennes privées et que les travaux endommageaient d’autres propriétés, notamment des arbres. La police israélienne a l’habitude de classer sans suite les plaintes déposées par des Palestiniens contre des colons en raison du « manque de preuves ». L’Administration civile israélienne, organe militaire qui contrôle la plus grande partie de la Cisjordanie, interdit aux Palestiniens de se rendre sur le site de la source de Qaws en groupe et le vendredi, tandis que les colons peuvent s’y rendre librement. Des manifestations hebdomadaires Les manifestations hebdomadaires ont débuté le 9 décembre 2009. Chaque vendredi, des habitants du village d’al Nabi Saleh et des militants solidaires se réunissent vers midi dans le centre du village et marchent pacifiquement vers la source. L’armée israélienne a plusieurs fois eu recours à une force excessive et inutile contre ces manifestations, notamment en faisant usage de grenades assourdissantes, d’aérosols de gaz poivre, de matraques et d’armes à feu.   Les manifestants sont dispersés dès le début des rassemblements et ne sont généralement pas autorisés à atteindre la source. L’armée israélienne fait régulièrement des descentes dans le village, surtout la nuit, effectue des perquisitions et procède à des arrestations ; elle a déjà arrêté des enfants de moins de 15 ans. Les lois militaires israéliennes en vigueur en Cisjordanie permettent d’imposer des restrictions considérables et arbitraires à la liberté d’expression et de réunion pacifique ; c’est ainsi que tout rassemblement de 10 personnes ou plus ayant un objectif politique ou pouvant être considéré comme tel doit être autorisé au préalable par l’armée israélienne. Selon le témoignage de Nariman Tamimi, à al Nabi Saleh et dans tous les secteurs où la population oppose une résistance, la police recourt à une violence extrême, alors que dans ces manifestations, « on ne fait que scander des slogans et exprimer notre opinion ». En tant que co-organisateur des manifestations d’al Nabi Saleh et coordinateur du comité populaire du village, Bassem Tamimi et sa famille sont la cible de mauvais traitements imputables à l’armée israélienne. Depuis le début des manifestations, sa maison a été à diverses reprises mise à sac lors de plusieurs raids. Sa femme a été arrêtée à deux reprises et deux de ses enfants ont été blessés : Waed a séjourné cinq jours à l’hôpital après avoir été touché à la jambe par une balle en caoutchouc, tandis que Mohammed a été blessé à l’épaule par une grenade lacrymogène tirée directement sur lui. Bassem Tamimi a été arrêté 11 fois par l’armée israélienne, mais n’a été déclaré coupable qu’une seule fois par un tribunal militaire de charges qui, selon Amnesty International, étaient infondées.