Syrie : à la suite de l’amnistie, il faut libérer tous les prisonniers d’opinion

Tous les militants pacifiques et les autres prisonniers d’opinion détenus en Syrie doivent être libérés, a déclaré Amnesty International jeudi 25 octobre après l’annonce d’une amnistie massive à la veille de la fête religieuse d’Aïd al Adha. Mardi 23 octobre, le président Bachar el Assad a annoncé une amnistie générale, réduisant ou annulant les peines de prison prononcées pour la plupart des crimes. Cependant, cette amnistie ne concernant que les détenus déjà inculpés ; de nombreuses personnes, enfermées uniquement pour avoir exercé leurs droits fondamentaux, tels que le droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique, ou pour avoir prodigué des soins médicaux ou une aide humanitaire, n’en ont donc pas bénéficié. Toute personne inculpée ou condamnée aux termes de la loi du 2 juillet sur la lutte contre le terrorisme, parfois utilisée pour emprisonner des militants pacifiques, était également exclue de cette amnistie. « Il s’agit de la sixième amnistie prononcée depuis l’an dernier. Pourtant, des centaines de militants pacifiques, d’employés d’organisations humanitaires, d’avocats, de médecins et de journalistes vont de nouveau en être exclus, en partie – et c’est là que réside l’ironie de la situation – parce que bien souvent ils sont détenus pour de longues périodes sans être inculpés », a déclaré Philip Luther, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. « Les autorités syriennes doivent immédiatement libérer tous les prisonniers d’opinion sans condition. Tous les autres détenus doivent être inculpés d’une infraction reconnue par la loi et jugés conformément aux normes internationales en matière d’équité des procès, ou libérés. Le gouvernement syrien devrait aussi immédiatement autoriser la Commission d’enquête des Nations unies sur la Syrie et d’autres observateurs internationaux indépendants à entrer dans le pays et à visiter notamment tous les lieux de détention. » Des milliers de Syriens, hommes, femmes et enfants, ont été placés en détention de façon arbitraire depuis le début des manifestations antigouvernementales en 2011 et, dans de nombreux cas dont Amnesty International a eu connaissance, torturés ou maltraités. Certains ont été soumis à une disparition forcée. Les forces de sécurité syriennes ont procédé à des campagnes systématiques et généralisées de torture des détenus dans tout le pays. D’anciens détenus, dont des transfuges, ont dénoncé des actes de torture, y compris des atteintes sexuelles : viols, décharges électriques dans les parties génitales ou ailleurs sur le corps, coups administrés à l’aide de matraques ou de câbles en particulier sur des zones corporelles sensibles, brûlures ou encore nudité forcée font partie des sévices signalés. Certains membres de l’opposition syrienne, notamment l’Armée syrienne libre et d’autres, ont eux aussi soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements des membres ou des partisans supposés des forces de sécurité du gouvernement syrien et des chabiha qu’ils ont capturés, bien que de manière moins généralisée que les forces gouvernementales. En plus de la dernière amnistie en date, le gouvernement syrien a accepté d’observer le cessez-le-feu proposé par les Nations unies pour l’Aïd al Adha. « Si une pause est effectivement observée dans les hostilités, elle devrait donner à toutes les parties au conflit un peu de temps pour réfléchir à la menace que représentent les combats d’un point de vue humanitaire », a indiqué Philip Luther. « Chacune des parties doit s’engager à respecter les principes du droit humanitaire pour limiter les souffrances des civils dans ce conflit. »