Nigeria. Deux détenus sont sur le point d’être exécutés dans l’État d’Edo

Deux prisonniers qui attendent dans le quartier des condamnés à mort, dans la prison de Benin City, risquent d’être pendus sous peu, le gouverneur de l’État nigérian d’Edo ayant signé leurs mandats d’exécution. Ayant appris que les potences seraient en train d’être installées, Amnesty International demande l’arrêt immédiat de la procédure. Le procureur général et commissaire à la Justice de l’État d’Edo, Osagie Obayuwana, n’a pas pu confirmer la date prévue pour les exécutions, expliquant que la décision serait prise par les autorités carcérales de l’État. Le gouverneur de la prison d’Oko, à Benin City, a quant à lui refusé de confirmer ou d’infirmer la date prévue. Lucy Freeman, directrice adjointe du programme Afrique d’Amnesty International a indiqué : « La décision de signer le mandat d’exécution de ces deux prisonniers témoigne d’un profond mépris pour la procédure judiciaire : en effet, la justice doit encore statuer sur l’appel interjeté en leur nom. Exécuter un prisonnier alors que sa condamnation à mort fait l’objet d’une contestation devant les tribunaux constitue une violation flagrante des droits humains. » En mars 2010, l’ONG nigériane Projet de défense et d’assistance juridique (LEDAP) a interjeté appel au nom de 840 détenus – y compris les deux prisonniers dont les mandats d’exécution viennent d’être signés. Le tribunal a adressé une injonction faisant droit à cet appel, mais elle a été levée en avril 2012. À la suite de cette décision, l’organisation a déposé un nouveau recours en avril et le jugement est en instance. Le gouverneur de l’État d’Edo a signé les mandats d’exécution il y a deux semaines, après que les autorités carcérales l’ont informé que les condamnés à mort dans la prison de Benin City devenaient « ingérables ». D’après le procureur général de l’État d’Edo, certains condamnés à mort ont récemment pris part à une évasion à la prison d’Oko. « Procéder à des exécutions dans le but de contrôler des détenus ” ingérables ” est totalement inacceptable. C’est une mesure arbitraire qui bafoue leur droit à la vie, a estimé Lucy Freeman. Au lieu d’ôter la vie à des prisonniers, les autorités du Nigeria devraient se pencher sur les problèmes de fond qui caractérisent le système de justice pénale. » Le gouverneur a également examiné les affaires concernant quatre autres prisonniers. Tejanie Mustapha et un autre homme ont vu leurs condamnations à mort commuées en détention à perpétuité, tandis que les deux autres, Calistus Ike et Monday Udo, doivent être remis en liberté le 19 octobre. Selon le procureur général de l’État d’Edo, les deux prisonniers qui vont être mis à mort ont été déclarés coupables de meurtre. Aux termes du droit pénal nigérian, le meurtre est obligatoirement puni de la peine de mort. Au Nigeria, les dernières exécutions signalées remontent à 2006, lorsque sept hommes au moins, tous condamnés à mort dans l’État de Kano, ont été pendus dans les prisons de Kaduna, Jos et Enugu. D’après le Bureau du procureur fédéral et le ministre de la Justice, il existe aujourd’hui un moratoire sur les exécutions au Nigeria, moratoire qualifié de « volontaire ». Cette manœuvre visant à reprendre les exécutions s’inscrit dans le droit fil de l’annonce des gouverneurs d’État, qui ont déclaré en juin 2011 qu’ils examineraient tous les cas de condamnés à mort et signeraient des ordres d’exécutions, en vue de décongestionner les prisons du pays. Amnesty International appelle le gouvernement de l’État d’Edo à stopper immédiatement la procédure conduisant à ces deux exécutions et à respecter la procédure judiciaire en cours. Complément d’information Environ 920 personnes se trouvent dans le quartier des condamnés à mort au Nigeria, dont des femmes et des mineurs délinquants. Nombre d’entre eux ont été condamnés à mort au terme de procès ouvertement iniques ou après avoir passé plus de 10 ans derrière les barreaux dans l’attente de leur procès. Le Groupe national d’étude sur la peine de mort (2004) et la Commission présidentielle sur la réforme de l’administration de la justice (2007) ont tous deux souligné que la justice pénale nigériane ne pouvait garantir un procès équitable et ont demandé qu’un moratoire sur la peine de mort soit promulgué. En 2008, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a adopté sa deuxième résolution sur la peine de mort, appelant les États parties à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples à « observer un moratoire sur les exécutions en vue d’abolir la peine de mort » et à ratifier le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), visant à abolir la peine de mort. Dans une étude publiée le 19 avril 2012, le Groupe de travail sur la peine de mort de la Commission africaine a réaffirmé la nécessité d’abolir la peine capitale et proposé des moyens pour y parvenir.