Tchad. La vie de prisonniers est mise en danger par des conditions de détention épouvantables

Au Tchad, les conditions carcérales mettent la vie des prisonniers en danger, a déclaré Amnesty International lundi 10 septembre. Les cellules sont souvent surpeuplées, il n’y a pas d’aération et la température intérieure peut atteindre 48 °C. Intitulé Tchad. « Nous sommes tous en train de mourir ici. » Les violations des droits humains dans les prisons, un nouveau rapport d’Amnesty International décrit les conditions de vie inhumaines auxquelles sont confrontés les prisonniers de six établissements pénitentiaires dans lesquels se sont rendus des chercheurs d’Amnesty International. Ce document passe en revue des faits qui se sont déroulés au cours des 12 derniers mois et décrit comment neuf prisonniers sont morts d’asphyxie, cinq de déshydratation et sept autres ont été abattus par des gardiens. « Les prisonniers tchadiens doivent lutter chaque jour pour survivre », a déploré Christian Mukosa, spécialiste du Tchad à Amnesty International. « Il faut de toute urgence que les autorités veillent à ce que l’intégrité mentale et physique des prisonniers soit protégée et à ce que leur sécurité ne soit à aucun moment compromise. Il est inacceptable que les conditions carcérales soient telles qu’elles puissent transformer une peine d’emprisonnement en condamnation à mort. » Des détenus se sont plaints de ne manger qu’une seule fois par jour, à des heures irrégulières, et ont ajouté que les rations étaient à la fois insuffisantes et de mauvaise qualité. La nourriture est parfois servie dans des assiettes collectives, une même assiette pouvant être utilisée par six à dix détenus en même temps. En raison de l’insuffisance de nourriture, certains prisonniers, surtout les plus faibles, n’obtiennent rien à manger. Amnesty International a vu dans certains cas la nourriture être déposée directement sur des nattes sales, à même le sol. Le manque d’hygiène, l’état des installations sanitaires et la rareté de l’eau sont sources de graves préoccupations. Dans certaines des prisons visitées, le système d’évacuation des eaux usées ne fonctionnait pas depuis des années. La présence combinée d’eaux usées stagnantes et d’excréments humains dans les cours et autour des prisons met en danger la santé des prisonniers, du personnel et des habitants des localités où sont situées les prisons. Un détenu a déclaré à Amnesty International : « Il faisait très chaud dans les pièces, en particulier entre mars et mai. Les cellules étaient très sombres la nuit et très mal ventilées. Ça sentait très fort parce que les prisonniers déféquaient et urinaient dans des seaux ou des sacs en plastique à l’intérieur des cellules. » L’accès des détenus aux soins médicaux est extrêmement limité. Dans certaines prisons, Amnesty International a constaté que des salles avaient été désignées pour servir de clinique mais qu’il s’agissait la plupart du temps de cellules, vides ou occupées. Aucun des établissements visités ne comptait de médecin dans son personnel. Parfois, le personnel des prisons demandait aux prisonniers qui affirmaient avoir quelques connaissances en médecine de soigner leurs codétenus. À la prison centrale d’Abéché, par exemple, un détenu camerounais condamné à deux ans de prison pour exercice illégal de la médecine servait d’infirmier et soignait les autres prisonniers. Les femmes et les mineurs sont particulièrement en danger dans les prisons tchadiennes car il n’existe aucune infrastructure spécifique pour eux. Dans certaines prisons, les femmes étaient détenues dans les mêmes cellules que les hommes, ce qui leur faisait courir le risque de subir des violences sexuelles et des violences liées au genre. Même dans les prisons où les femmes disposaient de locaux séparés, les prisonniers et gardiens de sexe masculin n’avaient souvent aucun mal à circuler dans les cellules et cours réservées aux femmes. Amnesty International a vu des enfants et des bébés qui n’avaient parfois pas plus de 7 mois vivre en prison parce que leur mère y était détenue. Des adolescents étaient détenus avec des prisonniers adultes. La détention a des effets particulièrement perturbateurs pour les mineurs au Tchad, compte tenu de l’absence de programmes de réadaptation et de réinsertion pour les aider à retrouver une place dans la société. « Le Tchad a entamé depuis des années une réforme de l’institution pénitentiaire mais il n’y a eu que peu d’améliorations visibles. Le système pénitentiaire ne dispose même pas des éléments les plus essentiels pour permettre aux détenus de conserver un minimum de dignité », a déclaré Christian Mukosa. « La plupart des prisonniers que nous avons rencontrés étaient faibles et émaciés. Certains étaient enchaînés 24 heures par jour depuis plusieurs mois et de nombreux détenus souffraient de maladies de la peau, d’infections sexuellement transmissibles, du paludisme ou de la tuberculose. » Amnesty International appelle le gouvernement du Tchad à faire en sorte que toutes les prisons disposent de nourriture, de médicaments et d’eau potable et à ce que les conditions de détention respectent la législation nationale et les normes internationales. Le gouvernement doit demander l’aide des donateurs pour mener à bien sa réforme du système pénitentiaire ; il faut que les ressources humaines, financières et techniques nécessaires soient allouées à ce secteur pour améliorer les conditions carcérales dans le pays. Les autorités doivent aussi enquêter immédiatement sur les innombrables atteintes aux droits humains commises dans les prisons tchadiennes, en particulier sur celles mentionnées dans le rapport, telles que les homicides dont se seraient rendus coupables des gardiens dans trois prisons en 2011 ; le viol présumé de détenues par des gardiens de la prison de Moussoro en janvier 2012 ; l’utilisation généralisée de chaînes pour entraver les prisonniers.