Guatemala : un ancien chef de la police condamné dans une affaire de disparition datant des années 1980

Un tribunal guatémaltèque a condamné un ancien chef de la police à 70 ans de prison pour la disparition et les actes de torture dont a été victime un étudiant en 1981. Pour Amnesty International, ce jugement est un message fort qui montre que, même 30 ans après, justice peut être rendue. Mardi 21 août, un tribunal de Guatemala a déclaré Pedro García Arredondo, ancien chef enquêteur de la Police nationale (qui n’existe plus), coupable d’avoir ordonné la disparition forcée de l’étudiant en agronomie Édgar Enrique Sáenz Calito au cours du long conflit armé interne qui a sévi dans ce pays. La disparition forcée est un crime de droit international ; le tribunal a en outre estimé que les actes de torture subis par la victime en détention équivalaient à un crime contre l’humanité. « Il a fallu plus de 30 ans à la justice pour rattraper Pedro García Arredondo, mais cette décision lance un nouveau message fort et fait savoir que les responsables de violations des droits humains commises par le passe au Guatemala devront répondre de leurs actes », a déclaré Sebastian Elgueta, spécialiste de l’Amérique centrale à Amnesty International. Le procès de Pedro García Arredondo a couvert en détail la manière dont il a « planifié, contribué à et facilité » la disparition forcée de Édgar Enrique Sáenz Calito et le tribunal a estimé, dans son jugement, que cet homme avait « pleine autorité et, en conséquence, connaissance de ce qu’il était advenu de la personne “disparue” ». Le 4 mars 1981, des membres du Commando Six de la Police nationale ont arrêté Édgar Enrique Sáenz Calito au prétexte qu’il était soupçonné d’atteinte à la sécurité nationale car il avait été surpris en train de transporter des documents concernant un groupe de résistance armée, l’Organisation révolutionnaire du peuple en armes (ORPA). Des témoins ont affirmé qu’Édgar Enrique Sáenz Calito avait été conduit dans la pièce que les policiers du Commando Six utilisaient généralement pour les interrogatoires de personnes soupçonnées d’appartenir à des mouvements de guérilla. La femme de la victime, Violeta Ramírez Estrada, a expliqué au tribunal qu’elle avait rendu visite à son mari dans un hôpital pénitentiaire après son arrestation et qu’il portait des marques indiquant qu’il avait été torturé. Il avait été roué de coups, soumis à des simulacres de noyade, brûlé avec des cigarettes et il avait reçu des décharges électriques dans les parties génitales. Faute de preuves contre lui, il a été libéré le 9 juin 1981 mais, quelques minutes après son départ du bâtiment abritant le Commando Six, quatre hommes en civil l’ont forcé à monter à bord d’un véhicule dans lequel ils sont partis. Violeta Ramírez Estrada a expliqué que le harcèlement incessant dont elle a fait l’objet après la « disparition » de son mari l’a poussée à partir en exil avec sa fille. « Les forces de sécurité guatémaltèques ont fait vivre un cauchemar à Édgar Enrique Sáenz Calito et à sa famille, mais justice a enfin été rendue. Grâce à cette décision, des dizaines de milliers d’autres victimes et proches de victimes vont pouvoir espérer voir leurs persécuteurs rendre des comptes pour les horreurs commises durant la guerre civile au Guatemala », a déclaré Sebastian Elgueta. L’ouverture des archives de la police remontant aux années 1980 a facilité l’enquête et les poursuites contre Pedro García Arredondo. Amnesty International demande que soient déclassifiées les archives de l’armée datant de la même époque, car cela pourrait aider à résoudre de nombreuses autres affaires de violations des droits humains et permettre de traduire les responsables présumés en justice. Selon les estimations, au cours des 36 années qu’a duré le conflit armé interne qui a débuté en 1960 au Guatemala, 200 000 personnes auraient été tuées, dont 45 000 auraient été victimes de disparition forcée et de torture. Un accord de paix signé en 1996 a mis un terme à ce conflit mais ce n’est qu’en 2008 qu’a débuté le premier procès pour disparition forcée dans le pays. Le Parlement guatémaltèque a présenté en 2007 une proposition de loi pour la création d’un comité de recherche national qui apporterait son aide au travail d’enquête, essentiel, dans les affaires de disparition forcée. Amnesty International appelle le Parlement à œuvrer pour que cette proposition soit adoptée. Plusieurs autres procès très suivis au Guatemala ont vu des soldats et des officiers de l’armée à la retraite être poursuivis et, parfois, condamnés pour des crimes contre l’humanité. En particulier, l’ancien dirigeant militaire José Efraín Ríos Montt est poursuivi pour le génocide de villageois mayas. « Les efforts actuels visant à traduire en justice les responsables présumés de violations des droits humains commis au cours du conflit armé interne de Colombie doivent se poursuivre », a ajouté Sebastian Elgueta.