Gambie : le président Jammeh doit annuler les exécutions

Le président de la Gambie, Yahya Jammeh, a annoncé que des condamnés à mort seraient exécutés en septembre. Amnesty International s’élève contre cette annonce. Yahya Jammeh a émis ces commentaires lors d’une télédiffusion, dimanche 19 août au soir, et les a répétés lundi 20, à l’occasion de la fin du ramadan. Ces exécutions marqueraient la fin de 27 années sans mise à mort. En Gambie, la dernière exécution a eu lieu en 1985. Amnesty International considère que la Gambie fait partie des pays abolitionnistes dans la pratique, et qu’il s’agit donc de l’un des 141 pays (soit plus de deux tiers des États du monde entier) qui ont aboli la peine de mort légalement ou en pratique.   « Les propos du président Yahya Jammeh sont un choc pour tous, notamment pour les condamnés à mort et leurs familles », a déclaré Audrey Gaughran, directrice du programme Afrique chez Amnesty International. « Si ces commentaires reflétaient une quelconque réalité, ils constitueraient un terrible retour en arrière pour la situation des droits humains en Gambie. » « La déclaration du président est en pleine contradiction avec la tendance à l’abolition de la peine de mort observée en Afrique de l’Ouest et mondialement. » Ce n’est pas la première fois que le président Jammeh émet de tels commentaires. En septembre 2009, il avait annoncé que les exécutions allaient reprendre afin de lutter contre la montée de la criminalité. En octobre de la même année, le directeur du ministère public aurait indiqué que tous les condamnés à mort seraient exécutés par pendaison dès que possible. Aucune exécution n’a eu lieu à la suite de ces déclarations, mais la menace reste réelle. Selon le gouvernement gambien, 42 hommes et deux femmes étaient condamnés à mort au 31 décembre 2011, dont 13 avaient été condamnés en 2011. En Gambie, la peine capitale peut être imposée pour meurtre ou trahison. « Les procès iniques sont fréquents dans ce pays. Les peines de mort sont une réponse à l’opposition politique et les normes internationales concernant les procès équitables ne sont pas respectées », a ajouté Audrey Gaughran. « Le nombre de procès inéquitables est effrayant, et particulièrement préoccupant dans les cas où la peine de mort est prononcée. » Complément d’information Aucun pays d’Afrique de l’Ouest n’a procédé à des exécutions récemment et, au cours des cinq dernières années, la peine de mort a été abolie pour tous les crimes au Togo, au Burundi, au Gabon et au Rwanda. En juillet, le Bénin a été le 75e État à ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au PIDCP (Pacte international relatif aux droits civils et politiques – 1989), qui vise à abolir la peine de mort. La Gambie est partie à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. En 2008, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a adopté une résolution appelant les États parties à cette charte à observer un moratoire sur les exécutions dans la perspective d’une abolition totale de la peine capitale. En mai 2011, lors de la 49e session ordinaire de cette Commission à Banjul (Gambie), Zainabou Sylvie Kayitesi, l’une de ses membres et présidente de son groupe de travail sur la peine de mort en Afrique, a déclaré dans son rapport que « la peine capitale […était] une atteinte très grave […] au droit à la vie énoncé à l’article 4 de la Charte africaine ». Selon les normes internationales, la peine de mort ne peut être imposée que pour les crimes où l’intention de tuer est avérée. Selon les Nations unies, ces normes excluent la possibilité d’imposer une peine capitale pour des activités politiques (notamment la trahison, l’espionnage et d’autres actes définis vaguement comme « crimes contre l’État »). En Afrique, 38 des 54 États membres de l’Union africaine sont abolitionnistes en droit (16) ou en pratique (22). Rapport d’Amnesty International : Un rapport d’Amnesty International sur la peine de mort précisait en 2011 : Treize condamnations à mort ont été prononcées en Gambie pour meurtre et trahison en 2011, souvent à la suite de procès inéquitables, mais aucune exécution n’a eu lieu. En avril, la Cour d’appel a confirmé la condamnation à mort de sept des huit personnes ayant reçu cette peine en 2010 pour complot en vue de renverser le gouvernement. La Gambie a aboli la peine de mort pour les infractions à la législation relative aux stupéfiants, pour lesquelles elle n’était applicable que depuis 2010, et l’a remplacée par la réclusion à perpétuité. Des modifications ont également été apportées au Code pénal de 2007 (harmonisation avec la Constitution de 1997) par rapport à l’article 17(2) de la Constitution qui interdit l’application de la peine capitale pour toute autre infraction que celles ayant engendré la mort et impliquant de la violence ou l’administration d’une substance toxique.