Mexique. Des militants indigènes emprisonnés pour des accusations forgées de toutes pièces doivent être libérés

Les autorités mexicaines doivent libérer immédiatement et sans condition deux hommes indigènes emprisonnés à l’issue d’un procès inique dans l’État de Puebla (centre du pays), a déclaré Amnesty International mercredi 13 juin 2012. Dans une lettre remise le 12 juin à des représentants de la Cour suprême mexicaine, qui doit statuer sur l’appel que les deux hommes ont interjeté, l’organisation a demandé que l’affaire soit réexaminée conformément aux normes internationales d’équité des procès et à la Constitution mexicaine. En 2010, José Ramón Aniceto Gómez et Pascual Agustín Cruz, membres de la communauté indigène nahuatl d’Atla, ont été condamnés à sept ans d’emprisonnement pour des accusations, forgées de toutes pièces, de vol de voiture. Ils nient les faits. Amnesty International les a adoptés comme prisonniers d’opinion après avoir conclu qu’ils avaient été arrêtés et incarcérés en représailles de leurs activités pour améliorer l’accès de leur communauté à l’eau. « José Ramón Aniceto Gómez et Pascual Agustín Cruz sont victimes d’une justice qui discrimine souvent les personnes pauvres et les populations indigènes, et les accusations portées contre eux s’effondrent dès lors que l’on examine le dossier de près, a indiqué Javier Zúñiga, conseiller spécial auprès d’Amnesty International. « Nous exhortons les autorités mexicaines à libérer immédiatement et sans condition ces deux prisonniers d’opinion et à annuler leurs déclarations de culpabilité, qui sont le fruit d’une enquête et d’une procédure s’apparentant purement et simplement à une parodie de justice. » Amnesty International a recueilli des informations sur plusieurs autres cas dans lesquels des défenseurs des droits humains ont été poursuivis et déclarés coupables sur la base de preuves forgées de toutes pièces. Dans l’affaire de José Ramón Aniceto Gómez et Pascual Agustín Cruz, aucune véritable enquête n’a été menée pour étayer les charges retenues contre eux et le juge a ignoré les preuves apportées par la défense, tout en acceptant sans réserve le dossier du ministère public. À cela s’ajoute le fait que les accusés, dont l’espagnol n’est pas la langue maternelle, n’ont jamais pu bénéficier des services d’un interprète ni d’un avocat connaissant leur langue ou leur culture. « On aurait mieux compris en nahuatl, parce que c’est notre langue… nos traditions, a déclaré José Ramón Aniceto Gómez à Amnesty International. « En discutant, Pascual et moi, on se disait parfois que, si seulement on pouvait sortir d’ici un jour, un mois, on serait heureux à l’extérieur : on travaillerait, on respecterait la loi, on ne se présenterait pas comme des ennemis, on montrerait qu’on a des pensées positives, on comprendrait. » José Ramón Aniceto Gómez et Pascual Agustín Cruz ont déjà purgé deux ans de leur peine à la prison de Huauchinango. Leurs proches ne peuvent pas leur rendre visite régulièrement en raison du coût et des difficultés du trajet dans les montagnes depuis Atla. Élus en 2008 par leur communauté pour réaliser des travaux publics, ils étaient chargés de faire arriver l’eau courante dans de nombreux foyers. Le projet, d’abord prometteur, a permis à davantage de familles de bénéficier de l’eau courante. Cependant, il a été stoppé brutalement lorsqu’un puissant groupe local contrôlant l’approvisionnement en eau a prétendu que José Ramón Aniceto Gómez et Pascual Agustín Cruz avaient volé une voiture. Bien qu’aucun élément n’étaye ces affirmations, ces deux hommes ont été arrêtés, jugés et déclarés coupables. « Bien que les autorités mexicaines aient approuvé et financé le projet d’approvisionnement en eau de la communauté indigène d’Atla, elles n’ont pas protégé les responsables de ce programme des représailles ni empêché leur incarcération pour une infraction qu’ils n’ont pas commise », a ajouté Javier Zúñiga. « Conformément aux obligations internationales du Mexique en matière de droits humains – mais aussi parce qu’elles se doivent, pour ces deux hommes et la communauté indigène qu’ils représentent, de tirer les choses au clair –, les autorités sont tenues de diligenter une enquête approfondie. Tous les responsables présumés des représailles contre ces prisonniers d’opinion devraient être déférés à la justice. » Le 12 juin à Mexico et le 13 juin dans de nombreuses autres villes du monde, Amnesty International a organisé des événements publics en signe de solidarité envers José Ramón Aniceto Gómez et Pascual Agustín Cruz, pour demander leur libération immédiate et inconditionnelle.