Pakistan. Un an après l’homicide d’un journaliste, justice n’a toujours pas été rendue

Un an après l’enlèvement et l’assassinat du reporter Saleem Shahzad, le Pakistan doit prendre sans délai des mesures en vue de traduire en justice ses assassins et d’enquêter dûment sur les allégations d’actes d’intimidation ciblant les journalistes, imputables entre autres aux services de renseignement, a déclaré Amnesty International. « Le meurtre de Saleem Shahzad en 2011 a mis en évidence les dangers auxquels sont en butte les journalistes au Pakistan, a indiqué Polly Truscott, directrice pour l’Asie du Sud à Amnesty International. « Le Pakistan demeure l’un des pays les plus dangereux au monde pour les professionnels des médias. Trois journalistes au moins ont été tués depuis le début de l’année 2012. En 2011, au moins neuf d’entre eux avaient été assassinés. » Deux jours seulement avant d’être enlevé à Islamabad le 29 mai 2011, Saleem Shahzad a publié un article sur une attaque contre une base navale pakistanaise. Il avançait que des membres de la marine, sympathisants d’Al Qaïda, avaient facilité cette attaque. Le 31 mai, son cadavre était retrouvé à des kilomètres d’Islamabad. Il présentait des marques de torture. En octobre 2010, Saleem Shahzad avait confié à ses collègues que lors d’une rencontre avec la branche médias des Services du renseignement de l’armée pakistanaise (ISI), il sentait qu’il était menacé, en raison de ses recherches sur l’infiltration d’Al Qaïda dans l’armée pakistanaise. L’ISI est le premier service de renseignements des forces armées pakistanaises. Dans son rapport publié en janvier 2012, la commission gouvernementale chargée d’enquêter sur le meurtre de Saleem Shahzad a conclu qu’elle n’était pas en mesure d’identifier ses assassins. Ce rapport émettait la supposition que des agents de l’État, des agents étrangers ou des agents non gouvernementaux, dont des membres d’Al Qaïda ou les talibans, pouvaient être responsables de cet assassinat. Certains journalistes ont témoigné avoir reçu des menaces de la part de l’ISI, notamment de la part de ces mêmes agents qui avaient été mis en cause par Saleem Shahzad. L’enquête a également révélé que plusieurs éléments de preuve avaient disparu, qui auraient pu permettre d’identifier les auteurs, notamment les relevés téléphoniques du portable de Saleem Shahzad, le véhicule dans lequel il avait été enlevé et des images prises par des caméras de sécurité dans Islamabad, y compris près de chez lui. Pas un seul témoin de son enlèvement ne s’est présenté, lors même que plusieurs postes de contrôle de la police étaient établis le long de la route menant de son domicile jusqu’à la chaîne de télévision où il devait réaliser une interview. « Les assassins de Saleem Shahzad ont tenté de manière ingénieuse et bien organisée de couvrir leurs traces – raison de plus pour laquelle les services de renseignement pakistanais, et plus particulièrement l’ISI, ne doivent pas être écartés », a précisé Polly Truscott. La commission d’enquête avait critiqué la police pour n’avoir pas dûment interrogé l’ISI au sujet du meurtre de Saleem Shahzad. Pourtant, elle avait elle-même permis aux représentants de l’ISI de présenter des dépositions préparées à l’avance et les avaient soumis à des interrogatoires sommaires. « Les représentants du gouvernement ne sauraient se placer au-dessus des lois et doivent être soumis à un interrogatoire en bonne et due forme concernant l’allégation de corruption par les autorités civiles ou d’enlèvement par les services de renseignement », a estimé Polly Truscott. Amnesty International a recueilli des informations sur les attaques contre les journalistes au Pakistan, imputables aux talibans et à Al Qaïda, aux partis politiques, aux bandes criminelles et aux forces de sécurité. Elle dénonce le fait que l’absence de poursuites favorise un climat d’impunité. « Le Pakistan doit traduire en justice tous les responsables présumés de ces actes dans le cadre de procès respectant les normes internationales d’équité et excluant tout recours à la peine de mort, a conclu Polly Truscott. « Enfin, Amnesty International engage les autorités pakistanaises à faire respecter les dispositions protégeant les droits humains inscrites dans le droit international, telles que le droit à l’information, la liberté d’expression et le droit à la vie, garanties également consacrées par la Constitution du pays. »