Nigeria. La police doit mettre fin aux mesures d’intimidation visant la Commission nationale des droits humains

La police nigériane doit immédiatement cesser d’enquêter sur les déclarations faites par le président de la Commission nationale des droits humains accusant la police d’être responsable d’exécutions extrajudiciaires, a déclaré Amnesty International. Vendredi 13 avril, la police a convoqué aux fins d’interrogatoire Chidi Odinkalu, président du conseil de direction de la Commission nationale des droits humains, au département de la police judiciaire. D’après la lettre de convocation adressée à Chidi Odinkalu, la police « enquête sur une plainte concernant des remarques désobligeantes qui auraient été faites par le président […] à l’encontre de la police nigériane ». « La police devrait consacrer son temps et son énergie à enquêter sur les allégations d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées et d’actes de torture commis par ses agents, plutôt qu’à harceler la Commission nationale des droits humains, a indiqué Erwin van der Borght, directeur du programme Afrique d’Amnesty International. « Ces actes d’intimidation et de harcèlement visant la Commission sont profondément choquants. La police nigériane doit cesser immédiatement d’entraver la capacité de la Commission à réaliser son mandat, qui s’inscrit dans le droit fil des obligations et des engagements relatifs aux droits humains qui incombent au Nigeria au titre du droit international. » Le 5 mars, Chidi Odinkalu a déclaré que la force de police nigériane se livrait à des actes de torture et commettait plus de 2 500 exécutions extrajudiciaires chaque année. Cette déclaration a fait suite à une allocution publique largement diffusée en février 2012, dans laquelle l’inspecteur général de la police a reconnu que la police était responsable de torture et d’exécutions extrajudiciaires. D’après les recherches menées par Amnesty International, la police tue des centaines de personnes chaque année en toute impunité. Beaucoup sont victimes d’homicides illégaux, avant ou après leur arrestation dans la rue ou à des barrages routiers. D’autres sont torturées à mort alors qu’elles sont aux mains de la police. Un grand nombre de ces exécutions illégales sont susceptibles de constituer des exécutions extrajudiciaires. Dans d’autres cas, des personnes disparaissent lors de leur garde à vue. La majorité de ces affaires ne font pas l’objet d’enquêtes et ne donnent lieu à aucune sanction. Les familles des victimes obtiennent rarement justice et repartent bien souvent sans réponse quant au sort de leurs proches. Certaines sont la cible de menaces lorsqu’elles tentent malgré tout d’obtenir justice. Rares sont les policiers responsables d’atteintes aux droits humains qui sont tenus de rendre des comptes et, dans la plupart des cas, aucune investigation n’est menée. Les militants des droits humains, les médecins et les avocats qui travaillent sur des affaires d’exécutions extrajudiciaires sont souvent soumis à des actes d’intimidation. Selon un avocat : « Si vous engagez des poursuites contre la police, vous vous retrouvez dans une situation délicate. C’est la police qui enquêtera et fera part de ses conclusions. Ils nous menacent, ils déchirent nos vêtements, ils pointent leurs armes sur nous, mais ils n’ont pas encore tué d’avocat. » Quiconque cherche à s’enquérir du sort d’un suspect s’expose au risque d’être frappé, harcelé et intimidé par les policiers. « Les médecins hésitent à se rendre au poste parce que les policiers les placent en détention et les considèrent comme des complices ; ils frappent ceux qui se rendent dans les postes de police pour aider les suspects », a expliqué un médecin à Amnesty International. « Cette enquête de police va à l’encontre de l’engagement clairement souscrit par le président Goodluck Jonathan en 2011, lorsqu’il a promulgué la Loi portant modification de la Commission nationale des droits humains, a estimé Erwin van der Borght. « Cette loi est censée garantir que la Commission puisse agir en toute indépendance pour améliorer la situation des droits humains au Nigeria. » Promulguée le 26 février 2011, la loi confère à la Commission le pouvoir d’enquêter sur les atteintes aux droits humains et de visiter des postes de police et des lieux de détention. La Commission a aussi le pouvoir de se prononcer sur des plaintes concernant des violations des droits humains, ses décisions équivalant à celles d’une haute cour.