Multiplication des cas de harcèlement et d’agression de militants et de journalistes à Cuba

Les cas de harcèlement et de détention de dissidents politiques, de défenseurs des droits humains, de journalistes et de blogueurs se multiplient à Cuba depuis 24 mois, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport rendu public jeudi 22 mars. Intitulé Répression routinière. Détention de courte durée et harcèlement à caractère politique à Cuba, ce rapport met au jour les nouvelles stratégies des autorités cubaines pour punir les opposants présumés au régime. Selon la Commission cubaine des droits humains et de la réconciliation nationale, 2 784 cas de violations des droits humains, essentiellement des incarcérations de courte durée de dissidents, ont eu lieu entre les mois de janvier et septembre 2011 – c’est 710 de plus que sur l’ensemble de l’année 2010. Depuis mars 2011, plus de 65 journalistes indépendants ont été arrêtés, souvent à plusieurs reprises. « Le régime a changé de stratégie mais la répression est plus forte que jamais à Cuba, a expliqué Gerardo Ducos, spécialiste du pays à Amnesty International. Après la libération massive de prisonniers d’opinion en 2011, nous avons vu les pouvoirs publics affûter leur stratégie, laquelle vise désormais à faire taire la dissidence en harcelant les militants et les journalistes au moyen d’incarcérations de courte durée et d’actes publics de répudiation. » Cuba ne tolère aucune critique à l’égard de sa politique en dehors des mécanismes officiels mis en place sous le contrôle du gouvernement. Les opposants au régime sont poursuivis pour « troubles à l’ordre public », « outrage », « manque de respect », « dangerosité » et « agression ». Aucune organisation politique ou de défense des droits humains ne peut y obtenir de statut légal. Les défenseurs des droits humains ou les journalistes indépendants arrêtés sont généralement placés en détention dans des postes de police ou des centres de détention pour des périodes allant de quelques heures à plusieurs jours, pendant lesquelles ils sont soumis fréquemment à des interrogatoires, des manœuvres d’intimidation et des menaces ; parfois, ils sont frappés. Dans de nombreux cas, les autorités n’informent pas les familles des motifs ou du lieu de détention de leurs proches. Les défenseurs des droits humains Antonio Michel et Marcos Máiquel Lima Cruz sont en prison depuis le 25 décembre 2010, date de leur arrestation par des agents de la Direction de la sûreté de l’État dans leur ville de résidence de Holguín, dans l’est de Cuba, pour avoir entonné des chansons dénonçant le manque de liberté d’expression dans le pays. Au terme d’un procès sommaire qui s’est tenu en mai 2011, les deux frères ont été respectivement condamnés à deux et trois ans d’emprisonnement pour « outrage aux symboles de la patrie » et « troubles à l’ordre public ». Antonio Michel a des problèmes de prostate et ne recevrait pas les soins médicaux nécessaires. Par ailleurs, ayant purgé plus de la moitié de sa peine, il remplit les conditions requises pour bénéficier d’une libération conditionnelle, mais les autorités ont refusé de donner suite aux requêtes de sa famille et de son avocat. Amnesty International a adopté ces deux hommes comme prisonniers d’opinion et a demandé aux pouvoirs publics de les libérer immédiatement et sans condition. Incarcérés depuis le 8 janvier 2012 pour « violence ou intimidation » sur la personne d’un agent de l’État, une accusation forgée de toutes pièces, les défenseurs des droits humains Yasmín Conyedo Riverón et son époux Yusmani Rafael Álvarez Esmori sont également considérés comme des « prisonniers d’opinion ». Le journaliste havanais José Alberto Álvarez Bravo a été placé en détention 15 fois entre les mois d’avril et octobre 2011 – soit une moyenne de deux arrestations par mois. Le 12 juillet, des agents de la sûreté de l’État l’ont arrêté à son domicile et ont confisqué son ordinateur, ses clés USB, un appareil photo numérique, des livres et d’autres documents. Il est resté en détention pendant plus de 72 heures. « Cuba connaît une recrudescence de la répression des droits humains. Nous aimerions voir les militants pouvoir exercer leurs activités légitimes sans crainte de représailles », a conclu Gerardo Ducos.