Il faut que la Jamaïque réagisse à une vague choquante d’homicides commis par la police

L’homicide de 21 personnes par la police jamaïcaine en à peine six jours doit faire l’objet d’une enquête approfondie, a déclaré Amnesty International, exhortant les autorités à diligenter une enquête digne de ce nom sur des opérations de police récentes et anciennes. Six de ces homicides ont été perpétrés lors d’une seule et même opération de police à Denham Town, dans l’ouest de Kingston, lundi 5 mars. Une adolescente de 13 ans est morte après avoir, semble-t-il, été prise au milieu d’échanges de tirs entre la police et des suspects. Pour l’instant, 45 personnes ont été abattues par la police en 2012, d’après des informations relayées par la presse. « La vague récente d’homicides attribués à la police en Jamaïque est choquante mais n’a malheureusement rien de nouveau », a déploré Chiara Liguori, spécialiste des Caraïbes à Amnesty International. « La police continue à se comporter comme si tous les habitants des zones urbaines marginalisées et défavorisées étaient des suspects. Voilà le problème. » C’est durant l’état d’urgence décrété en mai 2010 dans l’ouest de Kingston qu’un tel degré de violence policière a été enregistré pour la dernière fois ; 76 personnes avaient été tuées en deux jours lors d’une opération menée par les forces de sécurité. Près de deux ans plus tard, personne n’a encore eu à rendre de comptes pour ces homicides, et une enquête ouverte par le parquet n’a toujours pas été bouclée. « Ne pas sanctionner des atteintes aux droits humains telles que des meurtres commis par la police c’est faire le lit de nouveaux abus », a prévenu Chiara Liguori. Par ailleurs, la Jamaïque a un piètre bilan en ce qui concerne l’obligation de rendre des comptes et la capacité à rendre justice et à accorder des réparations aux familles de victimes. Sur les plus de 2 200 cas d’homicides attribuables à des tirs policiers enregistrés entre 2000 et 2010, seuls deux représentants des forces de l’ordre ont été déclarés coupables. Amnesty International a reconnu que la création de la Commission d’enquête indépendante (INDECOM) en août 2010 a été une étape cruciale dans le processus d’amélioration des enquêtes sur les abus imputés aux forces de sécurité. L’organisation estime cependant que les autorités jamaïcaines doivent veiller à ce que l’INDECOM dispose de ressources suffisantes et de l’aide d’autres agences étatiques afin de pouvoir mener des enquêtes efficaces permettant que justice soit rendue aux victimes. Les recherches effectuées par Amnesty International sur les homicides commis par la police en Jamaïque ont indiqué que les enquêtes sont entravées par le manque d’indépendance des services de balistique et de médecine légale, ainsi que par l’insuffisance des ressources, qui contribuent souvent aux dénis de justice. « Face à cette nouvelle vague d’homicides attribués aux forces de sécurité dans l’ouest de Kingston, les autorités jamaïcaines doivent prendre des mesures énergiques pour lutter contre l’impunité », a déclaré Chiara Liguori. « Elles doivent débloquer l’ensemble des ressources requises afin qu’une enquête indépendante et efficace soit menée dans les meilleurs délais sur ces récents homicides, et désigner une commission d’enquête indépendante pour que les violations des droits humains commises dans le cadre de l’état d’urgence ne restent pas impunies. »