Chine. Les autorités doivent abandonner les charges retenues contre un militant des droits humains

Amnesty International a invité jeudi 22 décembre les autorités chinoises à libérer immédiatement et sans condition Chen Wei, défenseur des droits humains qui doit comparaître devant un tribunal le 23 décembre pour « incitation à la subversion de l’État », en raison de ses essais critiques envers le Parti communiste. D’après l’acte d’inculpation, qu’Amnesty International a pu lire, les charges retenues contre Chen Wei sont liées à quatre essais qu’il aurait publiés en ligne et « adressés à des organisations à l’étranger », notamment à Human Rights in China (HRIC), association de défense des droits humains basée à New York. Amnesty International redoute que Chen Wei ne soit condamné à une peine sévère, en raison de son passé de militant. « Il est fréquent que le gouvernement chinois invoque le vague chef d’inculpation d'” incitation ” pour incarcérer des militants des droits humains, a expliqué Catherine Baber, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d’Amnesty international. « Chen Wei doit être libéré immédiatement, car il ne fait aucun doute que ces charges ont été établies en représailles de ses écrits et de ses activités en faveur des droits fondamentaux. » Chen Wei, 42 ans, comptait parmi plus de 130 militants arrêtés après que le site d’information Boxun, basé aux États-Unis, se soit fait l’écho d’un appel anonyme encourageant les Chinois à manifester à travers le pays au mois de février. Cet appel à manifester, inspiré par les soulèvements en Afrique du Nord et au Moyen-Orient et la « révolution de Jasmin » en Tunisie, a entraîné l’une des plus dures répressions contre les dissidents en Chine depuis l’écrasement des manifestations place Tiananmen en 1989. Des détracteurs du gouvernement, des blogueurs, des artistes, des « cybercitoyens » et d’autres militants ont été arrêtés, pour la plupart libérés sans inculpation ou sous caution. Les autorités de la ville de Suining, dans la province du Sichuan, ont arrêté Chen Wei le 20 février, mais son arrestation n’a été officialisée que le 28 mars. Depuis cette date, il est emprisonné au centre de détention de la ville de Suining. Son dossier a été renvoyé à deux reprises devant le procureur, en raison du manque d’éléments de preuve. L’avocat de Chen Wei, Zheng Jianwei, a déclaré qu’il n’avait pu rencontrer son client que deux fois. Chen Wei a été autorisé à communiquer avec sa famille, mais uniquement par lettre. Chen Wei a été l’un des dirigeants du mouvement étudiant de 1989 en faveur de la démocratie, ce pour quoi il a été emprisonné jusqu’en janvier 1991. En mai 1992, les autorités l’ont de nouveau arrêté, cette fois pour avoir commémoré l’anniversaire du massacre de la place Tiananmen et mis sur pied un parti politique. Il a été condamné à une peine de cinq ans de prison pour « propagande et incitation contre-révolutionnaires ». « Le droit chinois ne définit pas la ” subversion “, pas plus que la loi et les réglementations ou les interprétations associées ne définissent de manière satisfaisante ce que signifie le fait d’inciter d’autres personnes à la subversion de l’État, a estimé Catherine Baber. « Les autorités se servent de cette accusation ” fourre-tout ” pour réduire au silence les détracteurs et susciter la peur chez toute personne qui oserait critiquer le gouvernement. » Amnesty International invite le gouvernement chinois à libérer tous les militants placés en détention au titre de la vague charge d’« incitation à la subversion de l’État », notamment : • la « cybercitoyenne » Liang Haiyi, qui aurait été arrêtée par des policiers le 19 février à Harbin (nord de la Chine) pour avoir partagé sur Internet des vidéos et des informations traitant de la « révolution de jasmin ». Liang Haiyi, sans doute la première personne à avoir été arrêtée dans le cadre de la répression de jasmin, serait détenue parce qu’elle est soupçonnée d’« incitation à la subversion » et risque d’être jugée à tout moment. • le militant de longue date Chen Youcai, aussi appelé Chen Xi, placé en détention le 29 novembre en raison de son appartenance au Guizhou Human Rights Forum, organisation que les autorités ont déclarée illégale. Chen Xi pourrait être jugé à tout moment et, à l’instar de Chen Wei, encourir une peine sévère en raison de son long travail en faveur des libertés fondamentales. • l’avocat spécialisé dans la défense des droits humains Gao Zhisheng, renvoyé en prison la semaine dernière pour avoir « violé » les conditions de sa mise à l’épreuve, selon des informations parues dans les médias officiels chinois. Les autorités l’ont inculpé d’« incitation à la subversion » en décembre 2006 et condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement avec sursis. Tout d’abord placé en résidence surveillée, il a ensuite été soumis à des disparitions forcées à plusieurs reprises pendant près de trois ans. • le lauréat du prix Nobel de la paix Liu Xiaobo, récompensé en son absence le 10 décembre 2010. Liu Xiaobo a été condamné en 2009 à 11 ans de prison pour son rôle dans la rédaction de la « Charte 08 », et d’autres écrits qui appelaient des réformes démocratiques. Son épouse, l’artiste Liu Xia, a été illégalement assignée à domicile. Elle n’a été inculpée d’aucun crime et Amnesty International demande aux autorités de lui rendre immédiatement sa liberté. • le militant Liu Xianbin, basé au Sichuan, condamné au mois de mars à une peine de 10 ans de prison pour son rôle dans la promotion d’une réforme démocratique, notamment pour son soutien au mouvement de la pétition « Charte 08 ». • le militant Hu Jia, basé à Pékin, libéré de prison en juin après avoir purgé une peine de trois ans et demi pour « incitation à la subversion », qui vit désormais dans des conditions équivalentes à une assignation à résidence avec sa femme, Zeng Jinyan, et leur jeune fille.