Une nouvelle loi sur les médias, d’une grande portée, menace la liberté d’expression en Hongrie

La loi sur les médias récemment adoptée par la Hongrie imposera des restrictions potentiellement très étendues sur la liberté d’expression, a indiqué Amnesty International jeudi 23 décembre. La loi sur les médias et la liberté de la presse, qui entre en vigueur samedi 1er janvier 2011, impose les mêmes restrictions sur tous les contenus diffusés par les médias, que ce soit à la radio, la télévision, dans la presse ou sur Internet, et que les médias en question soient publics ou privés ; l’adoption d’une telle loi est une initiative sans précédent dans l’Union européenne. Elle accorde par ailleurs des pouvoirs étendus à une nouvelle autorité des médias pour que celle-ci fasse respecter des normes mal définies. « La portée des restrictions relatives aux contenus diffusés par les médias, l’absence de consignes claires pour les journalistes et les rédacteurs, et les pouvoirs étendus de l’organe de régulation risquent d’avoir tous ensemble un effet paralysant sur la liberté d’expression en Hongrie », a déclaré John Dalhuisen, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale. L’autorité nationale des médias et communications (NMHH) ainsi créée sera habilitée à imposer de lourdes amendes – 35 000 euros maximum pour les périodiques et 730 000 euros maximum pour les stations de radio et chaînes de télévision – si elle considère qu’un contenu va à l’encontre de l’« intérêt public », de la « moralité commune » et de l’« ordre national ». Des amendes sont également prévues lorsque les informations diffusées sont « partiales ». Aucun de ces termes n’est clairement défini dans la loi et leur interprétation est laissée à l’appréciation de la NMHH. La NMHH est en outre habilitée à contraindre les médias à cesser leurs activités. Par ailleurs, la question de l’indépendance politique de l’autorité nationale des médias et communications inspire quelques inquiétudes ; cinq des membres de son exécutif ont été nommés par le parti au pouvoir (Fidesz) sans qu’une large consultation ne soit menée, ni que le Parlement n’examine de près le processus de désignation. « En l’état, il existe un trop grand risque que cette loi soit appliquée de façon arbitraire et que l’ingérence politique brouille la ligne éditoriale des médias », a ajouté John Dalhuisen. « La possibilité que cette nouvelle loi ne débouche sur la censure et l’autocensure suscite de fortes craintes. » Deux heures à peine après l’adoption de la loi sur les médias, un journaliste de premier plan officiant à la matinale de la station de radio publique MR1 s’est tu pendant une minute, en signe de protestation contre cette nouvelle loi. Son rédacteur en chef et lui ont ensuite été suspendus par la station. Quelques semaines avant l’adoption de la loi, un entretien préenregistré avec Balázs Dénes, directeur de l’Union hongroise des libertés civiles, a été retiré de la programmation de MR1 parce qu’il y critiquait sévèrement ce qui n’était alors qu’un projet de loi. La nouvelle loi sur les médias a déjà été critiquée par des organisations intergouvernementales et non gouvernementales car elle impose des restrictions sur la liberté d’expression. « La Hongrie prend la présidence de l’UE en janvier 2011, à un moment où il existe de fortes craintes, à la fois en Hongrie et sur le plan international, que cette loi ne soit pas conforme aux normes européennes et internationales en matière de droits humains », a ajouté John Dalhuisen. « Les autorités hongroises doivent fournir l’assurance que cette loi sera peaufinée, et prendre des mesures pour veiller à ce qu’elle soit mise en œuvre dans le respect de la liberté d’expression. »