Le ministre irakien de l’Intérieur réclame l’exécution de membres présumés d’al Qaïda

Amnesty International a fermement condamné vendredi 3 décembre la déclaration du ministre irakien de l’Intérieur réclamant l’exécution rapide de 39 membres présumés d’al Qaïda, qui ont été exhibés devant des journalistes, menottés et vêtus de combinaisons orange. « Que Jawad al Bolani abuse de son autorité en tant que ministre de l’Intérieur pour exhiber ces hommes publiquement et demander leur mise à mort avant même qu’ils n’aient été jugés, ce qui ne peut que souligner la nécessité pour les accusés d’être présumés innocents jusqu’à ce que leur culpabilité ait été légalement établie, est totalement scandaleux, a affirmé Malcolm Smart, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. « Cela tourne complètement en dérision l’idée que ces suspects pourraient bénéficier d’un procès équitable et établit un précédent des plus fâcheux pour l’avenir. » Lors d’une conférence de presse organisée à Bagdad le 2 décembre, Jawad al Bolani a déclaré :  « Aujourd’hui, nous allons envoyer ces criminels et les conclusions de l’enquête aux tribunaux, qui les condamneront à mort. Nous réclamons qu’il soit procédé sans délai à leur exécution afin de dissuader d’autres terroristes et malfaiteurs. » D’après les médias, il a également déclaré que la plupart des 39 suspects avaient rejoint des groupes affiliés à al Qaïda après avoir été relâchés de prisons irakiennes gérées par les États-Unis. L’un d’entre eux a été identifié comme étant Hazem al Azzawi, troisième haut responsable d’al Qaïda en Irak.   Dans son rapport rendu public en septembre sous le titre Iraq: New Order, Same Abuses: Unlawful detentions and torture in Iraq, Amnesty International a mis en avant ses vives préoccupations concernant les atteintes aux droits humains infligées à plusieurs milliers de personnes détenues en Irak, dont bon nombre ont été remises aux autorités irakiennes par les États-Unis au cours d’une période qui s’est achevée le 15 juillet 2010. Ce rapport a révélé que nombre de détenus étaient incarcérés de manière arbitraire sans inculpation ni jugement, parfois pendant plusieurs années, et souvent torturés en vue de leur extorquer des « aveux ». « Nous insistons depuis longtemps sur le fait que les ” aveux ” en Irak sont régulièrement obtenus sous la torture. Aussi, les ” aveux ” qu’ont pu faire ces 39 suspects, susceptibles d’être retenus lors de leur procès, doivent faire l’objet d’investigations approfondies afin de s’assurer qu’ils n’ont pas été extorqués sous la contrainte, la torture ou toute autre forme de mauvais traitements, a fait valoir Malcolm Smart. « Quelles sont les chances pour un accusé d’être jugé équitablement si un aussi haut responsable du gouvernement fait preuve d’un tel mépris pour l’état de droit ? » Amnesty International demande au gouvernement irakien de veiller à ce que ces détenus et les autres prisonniers en instance de jugement soient jugés dans le cadre de procès équitables, conformément aux normes universellement reconnues. L’organisation reconnaît que les conditions de sécurité en Irak demeurent précaires et qu’il est du devoir du gouvernement de protéger la population, y compris les membres des minorités religieuses et ethniques. Toutefois, il doit s’en acquitter tout en veillant à respecter pleinement les droits humains et l’état de droit. En de nombreuses occasions, Amnesty International a vigoureusement condamné les atteintes aux droits humains commises par les groupes armés en Irak. Amnesty International est opposée en toutes circonstances à la peine capitale, qui constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit, ainsi qu’une violation du droit à la vie. Elle engage l’Irak à mettre fin aux exécutions, première étape vers l’abolition totale de ce châtiment.