La Thaïlande doit abroger ou réformer sans délai la législation d’urgence

La Thaïlande doit cesser d’invoquer le décret relatif à l’état d’urgence et la Loi relative à la sécurité intérieure, qui foulent aux pieds les normes internationales et le droit international relatifs aux droits humains, a indiqué Amnesty International jeudi 30 septembre 2010. Ce décret et cette loi ont été pour la première fois invoqués en dehors des régions du sud de la Thaïlande, qui sont le théâtre d’émeutes, le 12 avril 2009 lors de manifestations anti-gouvernementales. Depuis cette date, pendant la moitié du temps, les autorités ont décrété l’état d’urgence en invoquant le décret ou la loi dans des régions autres que le sud. « En appeler à ces dispositions d’urgence est presque devenu une habitude pour le gouvernement, a déploré Benjamin Zawacki, responsable des recherches sur la Thaïlande au sein d’Amnesty International. Dans les faits, les pouvoirs extraordinaires qu’ils confèrent en termes de restriction des droits humains sont souvent utilisés de manière abusive dans le but de museler l’expression pacifique d’opinions dissidentes. » La Loi relative à la sécurité intérieure est récemment entrée en vigueur à Bangkok le 11 mars 2010, un mois entier avant que les manifestations pacifiques ne basculent dans la violence. Parallèlement, le décret relatif à l’état d’urgence, pris le 7 avril 2010, demeure en vigueur à Bangkok et dans six autres provinces, alors que les manifestations ont pris fin il y a quatre mois et demi. Le gouvernement thaïlandais envisage de le prolonger pendant trois mois à compter de cette semaine. Ce décret autorise la détention pendant 30 jours sans inculpation ni jugement, l’utilisation de centres de détention non officiels, l’examen judiciaire inefficace ou inappliqué des mandats d’arrêt et des requêtes sollicitant le prolongement de la détention, le refus des visites personnelles aux détenus, et l’absence de surveillance cohérente, libre et indépendante des centres de détention, ce qui favorise la torture et les mauvais traitements. Il autorise également la censure quasi absolue des médias d’information et confère expressément l’immunité contre toute poursuite aux représentants du gouvernement qui bafouent le droit relatif aux droits humains dans l’exercice de leurs fonctions. Le 24 août 2010, le ministère de la Justice a fait savoir que le gouvernement maintenait en détention, au titre du décret relatif à l’état d’urgence, 209 prisonniers en lien avec les manifestations de mars à mai, dont certains auraient été battus en prison. Certains détenus n’ont pas été autorisés à consulter un avocat et n’ont reçu aucune information concernant leur dossier. Certaines personnes détenues uniquement parce qu’elles figureraient sur des photographies prises lors des manifestations n’ont pas été relâchées lors même qu’elles ont nié leur présence sur ces images. D’autres affirment avoir « avoué » des actes illégaux ou criminels parce qu’elles ont été trompées ou menacées par les policiers. La Loi relative à la sécurité intérieure confère des pouvoirs discrétionnaires considérables à l’armée afin de restreindre les libertés d’expression, de réunion pacifique et d’association, ainsi que le droit de circuler librement. En outre, ces pouvoirs s’appliquent « à toute situation qui constitue ou pourrait constituer une menace », définition large et vague, qui couvre des menaces réelles comme éventuelles. D’après le Centre pour la résolution de la situation d’urgence (CRES), mis sur pied par le gouvernement et l’armée pour coordonner et gérer le décret d’urgence promulgué en réponse aux manifestations anti-gouvernementales massives dans le courant de l’année, au moins 1 500 sites Internet, stations de radio, chaînes de télévision et publications ont été bloqués ou censurés en Thaïlande depuis le début du mois d’avril 2010. Amnesty International reconnaît que la crise politique qui secoue la Thaïlande a été émaillée à plusieurs reprises par des violences et des troubles importants, notamment l’interruption violente du sommet de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) en avril 2009 et les manifestations des « Chemises rouges » de mars à mai 2010 qui ont débouché sur des affrontements au cours desquels 91 personnes ont trouvé la mort. Toutefois, le gouvernement doit répondre à ces situations en se conformant aux obligations internationales qui incombent à la Thaïlande. « Le gouvernement doit cesser de recourir de manière fréquente et abusive à la législation d’urgence, qui bafoue le droit international relatif aux droits humains », a conclu Benjamin Zawacki. Amnesty International demande au gouvernement thaïlandais de ne pas prolonger l’application du décret d’urgence en vigueur à Bangkok et dans six autres provinces qui ne sont pas situées dans le sud du pays, et d’abroger ce décret et la Loi relative à la sécurité intérieure ou de les aligner sur le droit international et les normes internationales.