Myanmar : il faut que les prisonniers politiques soient libérés

À l’occasion du troisième anniversaire de la violente répression de la « révolution de safran », Amnesty International a appelé le gouvernement du Myanmar à libérer immédiatement et sans condition tous les prisonniers politiques arrêtés pour avoir milité pacifiquement. Les autorités du Myanmar maintiennent en détention plus de 2 200 prisonniers politiques, soit plus du double de ceux détenus avant les manifestations d’août 2007 contre la forte hausse des prix du carburant et des matières premières. « Alors que la communauté internationale, y compris les voisins du Myanmar membres de l’ANASE, demandent des élections libres, équitables et ouvertes dans ce pays, le sort de milliers de prisonniers politiques passe inaperçu », a déclaré Benjamin Zawacki, responsable des recherches sur le Myanmar à Amnesty International. Amnesty International a déclaré qu’elle considérait que l’immense majorité des personnes détenues au Myanmar étaient des prisonniers d’opinion punis pour avoir simplement exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression, de réunion et d’association. Le gouvernement du Myanmar organisera ses premières élections depuis 20 ans le 7 novembre 2010, dans un climat de répression politique et de violence systématique. En vertu des lois électorales adoptées en mars 2010, aucun prisonnier politique ne peut participer aux élections ni adhérer à un parti politique. Ces derniers mois, l’attention internationale s’est portée sur la confrontation entre d’un côté l’armée et les partis alliés au gouvernement, et de l’autre les groupes armés s’appuyant sur des minorités ethniques, la Ligue nationale pour la démocratie et un petit nombre de nouveaux partis d’opposition. « Le problème des emprisonnements politiques au Myanmar, qui dure depuis longtemps, reste bien au cœur de l’impasse politique qui touche ce pays, a souligné Benjamin Zawacki. Ces prisonniers constituent une part importante de l’opposition politique. » Dans le contexte général de l’expression du mécontentement de la population envers le régime militaire au Myanmar depuis le soulèvement en faveur de la démocratie en 1988, des dizaines de milliers de manifestants, menés par les moines bouddhistes, sont descendus dans la rue en août et septembre 2007 pour réclamer des réformes économiques et politiques. Ces manifestations pacifiques qui ont eu lieu dans tout le pays ont été violemment réprimées par les autorités fin septembre 2007. Au moins 31 personnes (probablement plus d’une centaine en réalité) ont été tuées, encore bien plus ont été blessées, 74 ont disparu et des milliers ont été arrêtées. Cette répression brutale a été condamnée par la communauté internationale, notamment sous la forme d’une expression sans précédent de l’indignation et de demandes en faveur du changement de la part du Conseil de sécurité des Nations unies, du Conseil des droits de l’homme et de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE). Pourtant, alors même que le Myanmar prépare ses premières élections depuis deux décennies, dans le cadre de ce que l’État appelle une « feuille de route pour la démocratie », il continue de réprimer l’opposition politique. « Il est impossible de croire que le gouvernement peut tenter de prouver que le régime est démocratique en organisant des élections, alors qu’il maintient plus de 2 200 prisonniers politiques derrière les barreaux et à l’écart des campagnes et des sondages », a insisté Benjamin Zawacki. « La communauté internationale doit faire observer au Myanmar que ces pratiques ne peuvent être acceptées dans le cadre d’une véritable feuille de route pour la démocratie. » Au Myanmar, les prisonniers politiques sont détenus dans des conditions déplorables. Parmi ceux qui ont pris part à la « révolution de safran », comme le militant des droits des travailleurs Su Su Nway, le moine militant U Gambira et les membres du groupe Étudiants de la génération 88 Min Ko Naing, Htay Kywe, Mie Mie, Ko Mya Aye et Zaw Htet Ko Ko, beaucoup sont en mauvaise santé. Au cours des deux dernières années, au moins 238 prisonniers politiques ont été transférés dans des prisons extrêmement isolées, ce qui a restreint leurs possibilités d’entrer en contact avec leurs proches, de consulter des avocats et de recevoir des soins médicaux. Les informations faisant état de torture et d’autres mauvais traitements sont très fréquentes. Le Comité international de la Croix Rouge (CICR) n’a pas été autorisé à accéder aux prisons du Myanmar depuis fin 2005. « En ce troisième anniversaire de la révolution de safran, Amnesty International engage les dirigeants du monde entier à demander que le gouvernement du Myanmar libère tous les prisonniers politiques immédiatement et garantisse la protection des droits humains tout au long de la période électorale et après celle-ci », a conclu Benjamin Zawacki.