Amnesty International a exhorté les autorités kirghizes à veiller à l’équité du procès de huit Ouzbeks accusés d’avoir tué un policier lors des violences généralisées qui ont éclaté dans tout le sud du pays au mois de juin. Cet appel fait suite aux attaques dont ont été victimes les accusés, leurs avocats et leurs familles de la part de proches et de collègues du policier tué. Ces agressions ont eu lieu lors de l’ouverture du procès le 2 septembre à Massi, une ville du sud du pays, et ce bien que la défense ait demandé à plusieurs reprises que le procès se tienne dans une autre région. « Les scènes observées à l’intérieur et à l’extérieur du tribunal le vendredi 3 septembre montrent que les représentants de l’État ne sont tout simplement pas disposés à garantir la sécurité des accusés, ce qui élimine pratiquement tout espoir que le procès soit équitable », a déclaré Maisy Weicherding, spécialiste du Kirghizistan à Amnesty International. Le lundi 6 septembre, lors de la deuxième audience, trois des accusés avaient un œil au beurre noir, ce qui laisse craindre qu’ils aient été battus en détention. Les proches du policier tué auraient attaqué les avocats de la défense au tribunal au moyen de bâtons, et ce sous les yeux du juge et des membres du tribunal, qui n’ont tenté que sporadiquement de mettre fin aux violences et de restaurer l’ordre. Le juge aurait même menacé les avocats de la défense de leur retirer leur licence professionnelle après qu’ils se sont plaints de ne pas pouvoir interroger les témoins ni déposer de requêtes. Pendant ce temps, les familles des accusés ont été agressées par les proches de la victime devant le tribunal, sous les yeux de la police, qui leur a ordonné de partir lorsqu’ils lui ont demandé d’intervenir. Les familles des accusés n’avaient pas été autorisées à entrer dans la salle d’audience, qui était remplie de proches et de collègues du policier tué. « Le procès doit être immédiatement transféré et les proches [des accusés] ainsi que des observateurs indépendants doivent pouvoir y assister afin de veiller au respect des normes internationales d’équité », a ajouté Maisy Weicherding. Sept hommes et une femme sont accusés d’« incitation à la haine à l’égard d’une ethnie » et d’« organisation de troubles de masse » à Bazar Korgan. C’est là que le policier a été tué le 13 juin par une foule qui avait dressé un barrage routier sur une autoroute menant à cette localité du sud du pays. Azimjan Askarov, dirigeant de l’organisation de défense des droits humains Vozdukh, a filmé et photographié des homicides et des incendies visant principalement des foyers ouzbeks. Ces agissements seraient imputables à des groupes d’hommes armés qui se disent kirghizes. Azimjan Askarov a été arrêté par la police le 15 juin. Selon certains défenseurs des droits humains locaux, cet homme aurait été longuement battu dans les locaux du poste de police de Bazar Korgan. Ces passages à tabac avaient pour but de le forcer à remettre la vidéo qu’il avait réalisée et à « avouer » le meurtre du policier. « Azimjan Askarov ne devrait même pas être jugé, ni détenu. Il est visé à cause de ses activités légitimes en faveur des droits humains et, pour cette raison, il doit être libéré immédiatement et sans condition », a indiqué Maisy Weicherding. Quelque 400 000 personnes auraient fui leur domicile à la suite d’affrontements entre des bandes rivales de jeunes Kirghizes et Ouzbeks, qui ont rapidement dégénéré et donné lieu à des violences généralisées. Des centaines de morts et des milliers de blessés seraient à déplorer. Environ 75 000 personnes sont toujours sans abri. Amnesty International a demandé l’ouverture d’une enquête indépendante sur les violences du mois de juin, notamment sur l’homicide du policier, afin que les auteurs présumés de ces agissements soient traduits en justice.