L’Égypte exhortée à protéger les habitants des bidonvilles après l’acquittement d’un haut responsable dans un cas d’effondrement

Amnesty International a demandé que des mesures concrètes et exhaustives soient prises afin de protéger les personnes vivant dans des bidonvilles en Égypte, après qu’un haut responsable de la municipalité du Caire eut été acquitté du chef de négligence dans la mort d’au moins 119 personnes, causée par un éboulement en septembre 2008. Le 21 septembre, un vice-gouverneur du Caire et un employé de la municipalité ont vu les condamnations prononcées contre eux pour négligence ayant causé morts et blessures par accident annulées par une cour d’appel du Caire. Six autres responsables locaux, dont le chef de l’autorité de voisinage de Manshiyet Nasser à l’époque de l’effondrement et l’un de ses prédécesseurs, ont vu leurs peines ramenées à un an de prison. Ces huit personnes avaient été déclarées coupables en mai. Au moins 119 personnes ont été tuées et 55 blessées lors d’un éboulement dans le quartier informel d’Ezbet Bekhit, à Manshiyet Nasser, dans l’est du Caire, malgré les efforts déployés par les habitants et des experts afin d’alerter les autorités à propos de ce risque. « Cette décision apporte aux rescapés de l’effondrement quelques réponses mais pas toute la vérité. C’est une occasion manquée de faire en sorte que le droit à un recours utile soit garanti à ceux qui risquent leur vie dans les quartiers informels d’Égypte, et de veiller à ce que les autorités agissent dans les meilleurs délais pour protéger la vie de milliers de familles vivant dans les ” secteurs dangereux ” d’Égypte », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord « Seule une action concrète de la part des autorités égyptiennes, en consultation avec les populations concernées, permettra d’éviter de nouvelles catastrophes. » Ahmed Gharib Hamed, un rescapé ayant perdu huit membres de sa famille dans l’effondrement, a dit à Amnesty International : « Les ingénieurs méritaient une sanction plus sévère car ils étaient conscients du danger représenté par la montagne […] Nous souhaitions aussi que toutes ces personnes haut placées, assises dans leurs confortables bureaux [soient punies] […] Nous espérions que Dieu nous accorderait qu’ils soient tous punis ». Le 26 mai 2010, le tribunal correctionnel de Manshiyet Nasser a condamné le vice-gouverneur du Caire à une peine de cinq ans d’emprisonnement, et les sept autres accusés à une peine de trois ans de prison chacun. Ils sont tous restés libres en attendant qu’il soit statué sur leur appel, moyennant le versement d’une caution. Une enquête diligentée par le parquet a permis de déterminer que des représentants des autorités locales avaient été avertis du risque d’effondrement par des rapports d’experts remis en 2007 et 2009. Ces rapports avaient recommandé que les résidents soient évacués pour leur sécurité. Les rescapés de cet effondrement et les parents des morts ou des blessés peuvent désormais demander réparation devant des tribunaux civils pour dommages physiques. Ceux qui ont perdu leur logement à la suite de l’évacuation de la zone touchée n’ont cependant pas la possibilité d’obtenir de réparations au civil. Amnesty International a fait campagne pour que justice soit rendue aux victimes de l’éboulement d’Al Duwayqa et pour l’évacuation de milliers d’habitants démunis contraints de vivre dans des logements indécents et à risque sur des flancs de colline instables. Ce type d’expulsion forcée jette de nombreuses personnes à la rue, tandis que les solutions de relogement proposées à d’autres ne sont pas satisfaisantes. Aucun processus de consultation concernant les conditions de relogement n’a été mis en place, et les personnes concernées ne reçoivent pas d’avis d’expulsion et ne savent pas à l’avance si elles bénéficieront d’un logement de remplacement. « Pour des réparations complètes, il faudrait que les autorités égyptiennes réduisent les menaces pesant sur la vie des habitants de certaines zones du Grand Caire, considérées à risque par les autorités chargées de la planification urbaine. Les autorités municipales doivent par ailleurs agir afin de protéger les droits des habitants à la santé et à un logement décent », a ajouté Hassiba Hadj Sahraoui. Les autorités égyptiennes ont identifié 35 « secteurs dangereux » nécessitant une intervention immédiate afin de préserver des vies ; 16 d’entre elles se trouvent au Caire, principalement dans les quartiers informels de Manshiyet Nasser et du Vieux Caire. Les projets de prise en charge de ces zones sont élaborés sans que les populations concernées ne soient réellement consultées. Au début du mois de juin 2010, les autorités du Caire ont estimé que 14 800 familles vivaient en danger imminent de mort, et ce dans le seul secteur de Manshiyet Nasser. Environ 9 100 familles de ce quartier ont été relogées depuis l’éboulement de 2008 ; toutefois, dans de nombreux cas, il semble qu’elles aient été expulsées de force.