L’Égypte ne doit pas juger des ouvriers d’usine devant un tribunal militaire

Amnesty international a condamné le procès devant un tribunal militaire égyptien de huit ouvriers, tous civils, détenus pour avoir participé à une manifestation contre les mauvaises conditions de sécurité dans leur usine à la suite d’une explosion qui a tué l’un de leurs collègues. Le procès de ces huit ouvriers de l’usine de construction mécanique d’Hélouan (usine militaire n° 99) reprend devant le tribunal militaire de Nasr City, dans l’est du Caire, ce samedi 28 août. C’est le premier procès de ce type depuis que les autorités ont modifié le Code de justice militaire en juin afin que les ouvriers d’une usine militaire puissent être jugés devant un tribunal militaire pour avoir « interrompu le travail dans des entreprises d’intérêt public » et « porté atteinte à la liberté de travailler » en empêchant d’autres personnes de travailler. « Les procès de civils devant des juridictions militaires, dont les juges sont des membres des forces armées en service actif, sont intrinsèquement injustes et contraires aux normes internationales d’équité des procès, a déclaré Amnesty International. « Des travailleurs égyptiens des secteurs public et privé ont fait des milliers de manifestations, de grèves et de sit-in pour protester contre l’augmentation du coût de la vie et réclamer une amélioration de leurs salaires et de leurs conditions de travail. Cette dernière comparution d’ouvriers devant des tribunaux militaires est donc une mesure préoccupante. « Ces hommes doivent être soit jugés par un tribunal civil pour des infractions dûment reconnues par la loi, conformément aux normes internationales d’équité des procès, soit libérés. » Sept de ces hommes ont été inculpés d’avoir délibérément interrompu la production, détruit du matériel de l’usine et agressé un fonctionnaire. Le huitième est accusé d’avoir « divulgué des secrets militaires » et « fourni aux médias des informations sur la sécurité de l’usine ». Il est à craindre que ces hommes ne soient poursuivis parce qu’ils ont refusé de travailler et interrompu la production après qu’une explosion a tué l’un de leurs collègues. Leurs avocats ont indiqué à Amnesty International qu’ils nient tous les accusations portées contre eux. Depuis l’ouverture du procès, le 22 août, les avocats de la défense n’ont pas été autorisés à obtenir une copie des dossiers de l’affaire et n’ont pu les consulter qu’en partie car certains documents contiendraient des secrets militaires. La manifestation contre les mauvaises conditions de travail à l’usine de construction mécanique d’Hélouan a eu lieu le 3 août, après que l’explosion d’une bombonne de gaz a tué Ahmed Abdel Hadi et blessé au moins six autres ouvriers. Les huit hommes poursuivis – Ahmed Taher Hassan, Ayman Taher Hassan, Ahmed Mohammed Abdel Mohaimen, Mohamed Tarek Sayed, Wael Baioumy Mohamed, Hisham Farouk Eid, Ali Nabil Ali et Tarek Sayed Mahmoud – faisaient partie d’un groupe de 25 ouvriers qui ont été présentés le 8 août à l’Autorité nationale de la production militaire pour enquête après que la direction de l’usine a promis une amélioration des conditions de sécurité et de travail. Ils ont été déférés au parquet militaire, qui a ordonné leur placement en détention avant de les renvoyer en jugement devant un tribunal militaire le 21 août. « Au lieu de poursuivre et juger ces hommes pour ce qui semble être des revendications légitimes de sécurité au travail, les autorités égyptiennes devraient faire tout leur possible pour améliorer les conditions de travail et la sécurité sur leur lieu de travail », a souligné Amnesty International. Dans le droit fil du droit international, l’organisation s’oppose à ce que des civils comparaissent devant des tribunaux militaires. De tels procès bafouent le droit à un procès public et équitable devant un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi, que garantit l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Égypte est partie. Les tribunaux militaires ont été institués en Égypte en vertu du Code de justice militaire (Loi n° 25 de 1966). Ce texte a été modifié en avril 2007, mais les changements apportés n’ont pas remédié aux problèmes de fond inhérents au fait de traduire des civils devant des juridictions militaires.