Amnesty International condamne la décision du gouvernement américain de poursuivre la procédure engagée contre Omar Khadr devant une commission militaire au centre de détention de Guantánamo Bay, et qualifie cette initiative de nouvelle violation des droits humains perpétrée par les États-Unis au nom de la lutte contre le terrorisme.En 2002, Omar Khadr, ressortissant canadien alors âgé de 15 ans, a été placé en détention sous la garde des États-Unis à la suite d’un échange de tirs avec les forces américaines en Afghanistan. Cinq chefs d’accusation différents de « crime de guerre » ont été retenus contre lui, notamment en relation avec un homicide : une grenade qu’il aurait lancée a touché un soldat américain qui a plus tard succombé à ses blessures. Le procès doit s’ouvrir le 12 août.« Les États-Unis ont fait la sourde oreille face aux appels répétés de la communauté internationale, notamment de hauts responsables des Nations unies, leur déconseillant d’établir le dangereux précédent consistant à juger dans le cadre d’un procès inique une personne qui aurait commis des ” crimes de guerre ” alors qu’elle était mineure », a déclaré Rob Freer, spécialiste des États-Unis à Amnesty International.« Faisant déjà fi depuis huit ans de leurs obligations en matière de droits humains, les États-Unis comptent désormais juger Omar Khadr selon des procédures qui ne respectent pas les normes internationales d’équité des procès, a ajouté Rob Freer. L’Histoire n’aura pas d’indulgence pour ces agissements. »Lundi 9 août, un juge militaire a estimé que les déclarations faites par Omar Khadr au cours de sa détention seraient recevables dans le cadre du procès, rejetant ainsi une requête de la défense demandant que ces déclarations soient exclues car elles ont été obtenues par le biais de la torture et d’autres types de mauvais traitements.« Ce juge militaire a mis environ 90 secondes pour statuer, sans fournir d’explications, que n’importe laquelle des déclarations faites par ce jeune détenu pendant cette période peut être utilisée contre lui », a déploré Amnesty International.La sélection, parmi le personnel militaire américain, des sept « jurés » appelés à siéger au sein de la commission militaire a été effectuée le 11 août et l’audience préliminaire devait avoir lieu le 12 août.S’il était déclaré coupable, Omar Khadr serait passible d’une peine de réclusion à perpétuité. Même en cas d’acquittement, il pourrait être renvoyé en détention sous la responsabilité de l’armée pour une durée indéterminée, selon le manuel sur les commissions militaires rendu public en avril dernier.« Ces commissions militaires relèvent d’un système de détentions et de poursuites qui, depuis le tout début, ont placé les États-Unis du mauvais côté de leurs obligations en matière de droits humains », a poursuivi Rob Freer.« Cela fait longtemps qu’elles auraient dû être abandonnées, tout comme les détentions illégales dont elles font désormais partie intégrante à Guantánamo. »Amnesty International, dont un délégué assiste aux procès à Guantánamo, s’oppose au recours des États-Unis à ces commissions militaires depuis leur instauration par l’ancien président américain George W. Bush en 2001. Les commissions militaires actuelles en sont la troisième incarnation ; elles sont désormais convoquées en vertu de la Loi de 2009 relative aux commissions militaires, promulguée par le président américain Barack Obama en octobre 2009, et qui modifiait la version de 2006 de ce texte.« Aux termes du droit international, les États-Unis auraient dû prendre en considération l’âge d’Omar Khadr au moment de son arrestation, et le traiter conformément aux principes relatifs à la justice des mineurs », a estimé Rob Freer.« Ils ont totalement failli à leurs devoirs dans ce domaine, choisissant plutôt de le maintenir quasiment au secret pendant plus de deux ans, de le soumettre à des interrogatoires répétés sans qu’il ne puisse s’entretenir avec un avocat ni ne comparaisse, et le faisant désormais juger par une commission judiciaire qui ne serait même pas conforme aux normes internationales si elle ne devait juger que des adultes. »Amnesty International estime que ces commissions n’ont pas l’indépendance des tribunaux fédéraux des États-Unis et ne fournissent pas la protection offerte par les procès équitables dont bénéficieraient des ressortissants américains accusés de faits ou d’infractions similaires. Les commissions militaires bafouent le droit à l’égalité de tous devant la justice et à une égale protection de la loi.« Les commissions militaires n’étaient pas la bonne solution en 2001 et elles ne le sont toujours pas aujourd’hui, car justice ne sera pas rendue dans ces conditions, a ajouté Rob Freer. Le procès d’Omar Khadr pour de soi-disant ” crimes de guerre ” commis alors qu’il était mineur – qu’aucun tribunal international en activité ne validerait – établira également un dangereux précédent. »