L’enquête du Royaume-Uni sur les cas de torture doit être indépendante et approfondie

Le Royaume-Uni se serait rendu complice d’actes de torture et d’autres violations des droits fondamentaux sur des personnes arrêtées à l’étranger depuis le 11 septembre 2001. Amnesty International a demandé au gouvernement britannique de veiller à ce que son enquête sur ces allégations soit approfondie, indépendante et aussi transparente que possible. L’organisation se félicite de l’ouverture de cette enquête – annoncée le 6 juillet par le Premier ministre britannique David Cameron –, qui constitue un premier pas important vers un véritable établissement des responsabilités pour des violations passées des droits humains. « Nous demandons depuis longtemps qu’une enquête soit menée sur les allégations crédibles concernant l’implication de fonctionnaires et d’agents britanniques dans des actes de torture et d’autres violations des droits humains – telles que les “restitutions”, le maintien en détention arbitraire et d’autres types de mauvais traitements – dont des personnes incarcérées à l’étranger ont été victimes », a déclaré Nicola Duckworth, directrice du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International. « Le droit qu’ont ces personnes de connaître la vérité sur les violations des droits fondamentaux qu’elles ont subies est essentiel pour la concrétisation de leur droit à réparation, mais aussi pour que justice soit rendue et que les États ne puissent pas perpétrer de violations des droits humains en toute impunité ». L’enquête sera menée sous l’égide de Peter Gibson, actuellement commissaire aux services du renseignement, et portera sur le rôle joué par le Royaume-Uni auprès de personnes arrêtées lors d’opérations antiterroristes à l’étranger, à la suite des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Seront notamment examinées les politiques ayant dicté la conduite des services secrets britanniques dans le cadre de leurs opérations à l’étranger. Le détail du cadre fixé pour l’enquête n’a pas encore été rendu public, mais l’accent devrait être mis sur les cas de ressortissants et de résidents britanniques incarcérés au centre de détention de Guantánamo Bay. Les cas d’anciens détenus de Guantánamo Bay font actuellement l’objet d’informations judiciaires et/ou de procédures civiles. On peut notamment citer les poursuites civiles engagées par six anciens détenus – Bisher al Rawi, Richard Belmar, Omar Deghayes, Binyam Mohamed, Jamil el Banna et Martin Mubanga – pour obtenir une indemnisation de la part du gouvernement britannique. Ils affirment en effet que des agences britanniques du renseignement ont été complices de leur maintien en détention, ainsi que des actes de torture et autres types de mauvais traitements dont ils ont été victimes. Amnesty International reste préoccupée par certains aspects de l’enquête telle que proposée par David Cameron. « On ignore si l’enquête sera suffisamment sérieuse et exempte de l’ingérence du pouvoir exécutif pour que toute la lumière soit faite sur la participation présumée du Royaume-Uni à des atteintes aux droits humains », a ajouté Nicola Duckworth. La question de savoir dans quelle mesure les audiences relatives à cette enquête se dérouleront dans le secret, et dans quelle proportion les éléments de preuve produits seront portés à la connaissance du public et des victimes de violations est source d’inquiétude pour l’organisation. Par exemple, le Premier ministre s’est attribué le pouvoir de décider dans quelle mesure les résultats de l’enquête pourront être rendus publics. « Le secret d’État ne devrait pas être invoqué dans le but d’entraver une enquête indépendante, impartiale et approfondie sur ces allégations, ni pour empêcher la vérité sur de graves atteintes aux droits humains d’émerger », a prévenu Nicola Duckworth. Par ailleurs, si Amnesty International conçoit que l’enquête ne saurait être à durée indéterminée et qu’elle doit être menée dans les meilleurs délais, la rapidité ne doit pas remplacer ni compromettre la rigueur des investigations. Amnesty International exhorte le gouvernement à faire en sorte que la procédure de l’enquête soit indépendante, approfondie et aussi transparente que possible, et que les conclusions et recommandations qui en découleront soient rendues publiques. Dans le cas de graves atteintes aux droits humains, il faut que la vérité sur ces violations soit connue du public pour que la notion d’obligation de rendre des comptes soit respectée. Le gouvernement a également diffusé de nouvelles consignes pour les interrogatoires, menés par les services de sécurité britanniques, de personnes détenues hors du Royaume-Uni par des agences étrangères du renseignement, et a annoncé la publication d’un Livre vert évaluant la manière dont les renseignements sont utilisés dans le cadre des procédures judiciaires. Amnesty International passe actuellement en revue les nouvelles consignes et fera part de ses éventuelles inquiétudes au gouvernement.