Espagne : les responsables politiques doivent refuser l’interdiction du voile intégral

Amnesty International a appelé les législateurs de la région de Catalogne (Espagne) à ne pas adopter ce mercredi 30 juin une motion visant à interdire aux femmes le port du voile intégral dans les bâtiments et espaces publics.« Une interdiction générale violera les droits à la liberté d’expression et de religion des femmes qui choisissent de porter le voile intégral pour exprimer leur identité ou leurs convictions, a déclaré John Dalhuisen, chercheur spécialiste de la discrimination en Europe à Amnesty International.« Les femmes devraient être libres de choisir quoi porter ou ne pas porter. C’est leur droit au regard de la législation internationale relative aux droits humains. Ce droit s’étend à certains types de vêtements que d’autres personnes peuvent trouver choquants et il doit être respecté, pour la petite minorité de femmes musulmanes qui choisissent de porter le voile intégral comme pour toute autre personne. »Les législateurs belges ont déjà approuvé l’interdiction du voile intégral dans les lieux publics en avril et le Parlement français doit examiner une loi de ce type en juillet. L’Espagne est donc le troisième pays européen à envisager cette année de restreindre le port de ce vêtement.La semaine dernière, le Sénat a approuvé une motion exhortant le gouvernement à prohiber le port du voile intégral « dans les lieux et rassemblements publics ».Neuf communes espagnoles ont déjà pris des mesures visant à l’interdire dans les bâtiments municipaux. Le maire de Barcelone a déclaré son intention de faire adopter d’ici à la fin de l’année une législation en ce sens qui s’appliquerait à tous les bâtiments municipaux, y compris les bureaux, les marchés, les bibliothèques et les musées.En Espagne, de nombreux partisans de ces interdictions ont affirmé qu’elles étaient nécessaires pour lutter contre la discrimination et protéger l’égalité entre hommes et femmes.« On ne combat pas la discrimination et on n’améliore pas l’égalité des genres en dictant aux femmes ce qu’elles peuvent ou non porter. On l’améliore en veillant à ce que les femmes aient le pouvoir de faire leurs propres choix et soient réellement capables d’agir dans ce domaine », a ajouté John Dalhuisen.Ces dernières années, le gouvernement espagnol a placé la promotion de l’égalité des genres au rang des priorités politiques.Néanmoins, Amnesty International a appelé les autorités à redoubler d’efforts pour lutter contre la discrimination, les stéréotypes et les préjugés affectant les femmes musulmanes, à la fois au sein de leur entourage et dans la société en général.« Les États sont tenus de protéger les femmes contre toute pression ou coercition destinée à les contraindre à porter le voile intégral, mais les interdictions totales ne sont pas un moyen d’y parvenir. Elles peuvent même s’avérer contre-productives car les femmes qui sont actuellement forcées à porter le voile intégral risquent d’être confinées chez elles, d’avoir plus de difficultés pour travailler ou étudier, ainsi que pour recevoir l’aide et la protection dont elles ont besoin, a expliqué John Dalhuisen.« Les autorités espagnoles doivent faire tout leur possible pour que les récentes initiatives visant à lutter contre la violence à l’égard des femmes bénéficient également aux femmes musulmanes. »En vertu de la législation internationale relative aux droits humains, les droits à la liberté d’expression et de religion ne peuvent être restreints que lorsque cela est nécessaire à la préservation de la sécurité, de l’ordre ou de la moralité publics et à la protection des droits d’autrui. Amnesty International ne pense pas que les interdictions générales du voile intégral se soient avérées nécessaires ou proportionnées pour atteindre l’un ou l’autre de ces objectifs ni que les questions de sécurité ou de sûreté publique puissent justifier de telles interdictions dans tous les espaces ou bâtiments publics.« Il est possible de répondre à certaines préoccupations légitimes en matière de sécurité en établissant des restrictions précises sur le port du voile intégral dans des lieux bien définis où il existe un risque important. On peut aussi exiger que les personnes découvrent leur visage lorsque cela est objectivement nécessaire, notamment lors de contrôles d’identité », a indiqué John Dalhuisen.La semaine dernière, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté une recommandation appelant les États à « ne pas adopter une interdiction générale du voile intégral ou d’autres tenues religieuses ou particulières, mais à protéger les femmes contre toute violence physique ou psychologique ainsi que leur libre choix de porter ou non une tenue religieuse ou particulière et de veiller à ce que les femmes musulmanes aient les mêmes possibilités de prendre part à la vie publique et d’exercer des activités éducatives et professionnelles ».