La commission d’enquête annoncée par Israël critiquée sous l’angle de la transparence et de l’obligation de rendre des comptes

Amnesty International a critiqué ce mardi 15 juin 2010 l’enquête annoncée par Israël sur son opération militaire menée contre la flottille humanitaire au large de la bande de Gaza le 31 mai, estimant qu’elle ne répond pas aux exigences de transparence et qu’il est peu probable qu’elle garantisse l’obligation de rendre des compte pour la mort des neuf militants tués lors de cet assaut. Le gouvernement israélien a approuvé la création d’une commission composée de trois membres israéliens, épaulés par deux observateurs internationaux, chargée d’examiner l’opération militaire menée au large de Gaza durant laquelle neuf militants internationaux ont été tués par les forces israéliennes. « Cette commission nommée par le gouvernement, dont la composition s’avère décevante, représente une occasion perdue, a déclaré Malcolm Smart, directeur du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International. « La commission semble manquer d’indépendance et de transparence, les deux observateurs internationaux risquent de se voir refuser l’accès à des informations cruciales, et les conclusions de la commission ne seront sans doute pas utilisées pour engager des poursuites. » La commission ne pourra pas s’entretenir avec les membres de l’armée israélienne ayant planifié et participé au raid militaire, à l’exception du chef d’état-major, et rien n’indique que ses conclusions ou recommandations seront contraignantes. Elle sera présidée par l’ancien juge de la Haute Cour de justice israélienne Jacob Turkel, spécialiste du droit civil qui a aussi exercé en tant que juge au sein de tribunaux militaires d’appel. Les deux autres membres de la commission seront Amos Horev, général à la retraite et ancien directeur du Technion, et Shabbtai Rosen, professeur de droit international à l’université Bar Ilan et ancien représentant d’Israël auprès des Nations unies. Les deux observateurs internationaux, David Trimble, ancien Premier ministre d’Irlande du Nord, et Ken Watkin, ancien responsable du pouvoir judiciaire militaire au Canada, participeront aux audiences et aux débats de la commission en qualité de simples observateurs. Le président de la commission pourra décider de ne pas porter à la connaissance des observateurs internationaux les informations considérées comme hautement susceptibles de « causer un tort important » à la sécurité nationale ou aux relations étrangères d’Israël. La commission pourra également choisir de censurer son rapport pour des motifs similaires, après consultation des « instances habilitées » – terme des plus vagues. « La procédure suivie par la commission doit être ouverte et transparente, et permettre l’accès à toutes les sources d’information, a souligné Malcolm Smart. Le choix de rendre ou non publiques certaines conclusions ne doit pas être fondé sur les considérations politiques du gouvernement israélien. » En outre, on ignore si la commission pourra consulter l’ensemble des documents concernés, notamment les films et les vidéos saisis auprès des équipes de télévision et d’autres personnes à bord des bateaux de la flottille, et si elle s’attachera à recueillir des informations auprès des militants internationaux qui se trouvaient à bord de ces navires. « La disposition selon laquelle les conclusions de la commission ne pourront pas être utilisées dans le cadre de futures poursuites judiciaires est particulièrement inquiétante, a indiqué Malcolm Smart. « Elle remet gravement en cause la possibilité de voir les personnes ayant ordonné ou perpétré des atteintes aux droits humains ou bafoué le droit international humanitaire amenées à rendre compte de leurs actes. » Israël, comme tous les autres États, a l’obligation de poursuivre et sanctionner les auteurs de crimes relevant du droit international. En outre, les commandants et les supérieurs hiérarchiques peuvent être tenus pour responsables sur le plan pénal de la conduite de leurs subordonnés. L’enquête menée par Israël doit réaffirmer l’obligation qui incombe à cet État de lutter contre l’impunité. Si son mandat inclut l’examen « des raisons sécuritaires à l’origine de l’imposition du blocus maritime », la commission n’est pas habilitée à se pencher plus largement sur la légalité de la fermeture de Gaza par Israël, qui comprend un blocus terrestre, aérien et aussi maritime. « La mise sur pied de cette commission ne doit pas détourner l’attention du blocus imposé à Gaza, qu’Israël se doit de lever immédiatement, a poursuivi Malcolm Smart. Le bouclage de Gaza par les autorités israéliennes constitue un châtiment collectif et bafoue sans conteste les obligations légales incombant à Israël en tant que puissance occupante. » Par ailleurs, les mécanismes mis en place en Israël pour enquêter en cas de plainte sont largement critiqués. Malgré les demandes répétés de l’Assemblée générale des Nations unies, 18 mois après la fin de l’opération militaire menée contre Gaza 22 jours durant, Israël n’a toujours pas mené d’enquête « indépendante, crédible et conforme aux normes internationales » sur les crimes de guerre et les autres graves violations du droit international qu’auraient commis ses forces et qu’a recensés la mission d’établissement des faits mandatée par l’ONU sur le conflit dans la bande de Gaza et le sud d’Israël. Amnesty International demande qu’une enquête internationale digne de ce nom soit menée dans les meilleurs délais sur la mort des neuf militants internationaux tués dans le cadre de l’opération israélienne menée contre la flottille le 31 mai, et que les responsables présumés répondent pleinement de leurs actes. Les personnes choisies pour mener une telle enquête doivent être reconnues pour leur impartialité, leur compétence et leur expertise. Israël doit coopérer pleinement à cette enquête internationale.