Le Yémen doit libérer les journalistes dissidents

Amnesty International engage les autorités yéménites à mettre un terme à la répression qui cible les médias, alors qu’un journaliste dissident a été incarcéré et un autre arrêté cette semaine. Hussein Mohammed al Leswas, 25 ans, a été condamné dimanche 2 mai 2010 à une peine d’un an d’emprisonnement par un tribunal de la capitale Sanaa spécialisé dans la presse pour, entre autres, « diffamation envers un fonctionnaire de l’État », parce qu’il a écrit des articles critiques envers la politique du gouvernement. Le lendemain, un autre journaliste a été arrêté parce qu’il brandissait une pancarte appelant à la libération de Mohammed al Leswas. Abdul Salam Mutbeq, rédacteur en chef, a été placé en détention lundi 10 mai pour avoir brandi cette pancarte lors d’un événement officiel célébrant l’unité du pays à al Baydah, dans le sud du Yémen. Hussein Mohammed al Leswas a été accusé à la suite d’articles datant de début 2009, dans lesquels il dénonçait la mauvaise gestion de la compagnie étatique d’électricité. Le journaliste, qui se disait également préoccupé par la corruption au sein des autorités locales à al Baydah, s’est également vu interdire de faire son travail de reporter. « Cette accusation inique est le dernier épisode de la répression qu’imposent les autorités yéménites aux journalistes et semble refléter l’intolérance croissante du gouvernement face aux médias et à toute critique pacifique des autorités », a déclaré Philip Luther, directeur adjoint du Programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. La diffamation est une infraction pénale sanctionnée par la Loi de 1990 relative à la presse et à la publication. Défini en termes vagues, ce chef d’accusation peut facilement être utilisé pour poursuivre et emprisonner les détracteurs pacifiques du gouvernement. « Selon toute vraisemblance, Hussein Mohammed al Leswas a été emprisonné uniquement pour avoir critiqué sans user de violence les autorités, tandis qu’Abdul Salam Mutbeq est détenu simplement pour avoir exprimé sa solidarité envers son collègue journaliste, a poursuivi Philip Luther. « Si c’est le cas, il s’agit de prisonniers d’opinion, qui doivent être libérés immédiatement et sans condition. » Les médias indépendants au Yémen font l’objet d’attaques soutenues dans un contexte de troubles dans le sud du pays, où une coalition informelle connue sous le nom de Mouvement du sud organise des manifestations dénonçant la discrimination qu’infligerait le gouvernement aux habitants du sud du pays. De nombreuses factions de ce mouvement appellent à l’indépendance et réclament que le sud du Yémen fasse sécession de la République du Yémen unifié. Les autorités ont arrêté de très nombreux manifestants pacifiques et ont également pris pour cibles les journalistes – dévastant leurs bureaux, bloquant la distribution des journaux et procédant à plusieurs arrestations. Dans la région de Saada, dans le nord du pays, des affrontements armés ont opposé à maintes reprises les forces de sécurité gouvernementales aux fidèles d’Hussein al Huthi, dignitaire chiite zaïdite décédé. Les journalistes rendant compte du conflit ont été la cible des autorités. Il s’agit notamment de Muhammad al Maqalih, accusé de « diffamation envers le président », de diffusion d’informations hostiles aux forces de sécurité et de soutien aux disciples d’Hussein al Huthi. Les deux dernières accusations sont passibles de la peine de mort. Muhammad Al Maqalih, membre du Parti socialiste yéménite et rédacteur de son site Internet, a été enlevé par des agents des forces de sécurité en septembre 2009 et maintenu en détention au secret jusqu’en février 2010. Il affirme avoir été battu et menacé d’exécution durant cette période. Il a été libéré en mars, dans l’attente de son jugement. Selon des militants des droits humains au Yémen, son arrestation est liée à ses commentaires critiques, publiés sur le site du Parti socialiste yéménite, portant sur une opération de l’armée s’étant soldée par la mort de civils dans la région de Saada.