Il faut mener une enquête approfondie sur les violences en Jamaïque

Amnesty International demande qu’une enquête approfondie soit diligentée sur la mort de dizaines de personnes, tuées dans la capitale jamaïcaine Kingston lors d’une opération des forces de sécurité visant à arrêter un trafiquant de stupéfiants présumé. Les violences ont débuté dimanche 23 mai 2010 dans Kingston, lorsque les partisans armés du trafiquant de stupéfiants présumé Christopher “Dudus” Coke ont protesté contre sa possible extradition vers les États-Unis. Le Premier ministre jamaïcain Bruce Golding a décrété l’état d’urgence ce même jour, conférant aux forces de sécurité de vastes pouvoirs afin de restreindre la liberté de mouvement, de fouiller les lieux et d’arrêter les personnes soupçonnées d’être impliquées dans des activités illicites, sans mandat. « Si la police jamaïcaine a le devoir de maintenir l’ordre, l’attribution de pouvoirs extraordinaires aux forces de sécurité risque de déboucher sur des violations des droits humains », a déclaré Kerrie Howard, directrice adjointe du programme Amériques d’Amnesty International. Selon certaines informations, il y aurait eu entre 44 et 60 victimes. Au moins trois membres des forces de sécurité ont également été tués. Jusqu’à présent, les forces de sécurité ont déclaré avoir saisi quatre armes à feu, une prise bien modeste comparée au nombre de victimes. « Le bilan en termes de droits humains des forces de police en Jamaïque est désastreux. Chaque année, les policiers sont responsables d’un grand nombre d’homicides. Les éléments de preuve donnent à penser que la plupart sont illégaux », a commenté Kerrie Howard. « Dans ce contexte, les habitants des quartiers concernés, y compris ceux qui ne sont pas impliqués dans des affrontements armés, risquent de voir leurs droits fondamentaux bafoués par les forces de sécurité. Seule une enquête impartiale et approfondie sur chaque recours à la force ayant causé des morts ou des blessés permettra d’établir s’il s’agit ou non d’homicides illégaux ou d’exécutions extrajudiciaires. En Jamaïque, la police a tué 253 personnes en 2009, un chiffre constant ces dernières années. Dans la plupart des cas, les policiers justifient ces homicides en invoquant des fusillades avec des hommes armés, notamment dans le cadre des violences imputables aux bandes criminelles dans les quartiers pauvres et marginalisés de Kingston. Le nombre élevé d’homicides, la quasi absence de blessés ou de morts dans les rangs de la police, les récits de témoins ainsi que d’autres éléments probants donnent à penser que nombre de ces homicides résultent d’un usage excessif ou arbitraire de la force par les policiers et que, bien souvent, il s’agit d’exécutions illégales et notamment extrajudiciaires. « Il est crucial de recueillir des preuves et d’avoir accès aux expertises médicolégales et balistiques indépendantes afin d’identifier et de traduire en justice les responsables présumés d’atteintes aux droits humains », a expliqué Kerrie Howard. Par ailleurs, Amnesty International est préoccupée par les informations selon lesquelles plus de 500 personnes ont été placées en détention depuis l’instauration de l’état d’urgence. « Même lorsque les autorités décrètent l’état d’urgence, la Jamaïque est tenue au regard du droit international de garantir les doits de chaque détenu, notamment en s’assurant qu’un tribunal indépendant examine son placement en détention », a conclu Kerrie Howard.