La Russie doit enquêter sur la disparition d’un enseignant ingouche

Amnesty International a appelé la Russie à mener une enquête efficace afin de savoir ce qu’il est advenu d’un enseignant ingouche disparu en 2003. Cet appel fait suite au verdict de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a estimé que les autorités russes étaient responsables de la disparition de cet homme sur le territoire national. Le 1er avril, la Cour a jugé que l’État russe était responsable de la disparition forcée et de la mort possible de Bachir Moutsolgov. Sa famille a passé six années à se battre pour obtenir justice. « La décision de la Cour signifie que justice a été faite, dans une certaine mesure : la Russie a été reconnue responsable de la disparition de Bachir Moutsolgov, et le fait qu’il n’y ait jamais eu d’enquête efficace a été considéré comme équivalant à un traitement inhumain et dégradant pour sa famille », a déclaré Nicola Duckworth, directrice générale au sein d’Amnesty International. « Les autorités russes doivent maintenant passer à l’étape suivante : traduire en justice les personnes qui ont enlevé Bachir Moutsolgov. » Bachir Moutsolgov parlait avec l’un de ses élèves dans la petite ville de Karabulak, le 18 décembre 2003, quand plusieurs hommes ont bondit hors d’une voiture, frappé le jeune garçon avec leurs fusils d’assaut et traîné Bachir Moutsolgov à l’intérieur du véhicule. On est toujours sans nouvelles de lui. Son frère, Magomed Moutsolgov, a entrepris des recherches, bien décidé à découvrir où se trouve Bachir. Il s’est rendu compte qu’il n’était pas le seul dont un proche avait disparu sans laisser de trace. Un ami de Bachir, Timour Yandiev, a disparu en mars 2004, tout comme le procureur adjoint d’Ingouchie, Rachid Ozdoïev. La famille de ce dernier pense qu’il a été victime d’une disparition forcée parce qu’il avait dévoilé des violations des droits humains commises par le Service fédéral de contre-espionnage d’Ingouchie. Magomed Moutsolgov a créé sa propre organisation de défense des droits humains, Mashr (Paix, en ingouche), et au cours des six dernières années il a rassemblé des informations sur 179 cas d’enlèvements et de disparitions forcées, dont les plus anciens remontent à 2002. Ce travail de défense des droits humains lui a valu d’être menacé, de même que certaines personnes qui lui avaient demandé de l’aide. En 2008, des coups de feu ont été tirés dans sa direction et l’un de ses collègues, Zoubra Tsetchoïev, a été enlevé et maltraité. Personne n’a été traduit en justice pour cette attaque, ni pour la disparition forcée de Bachir Moutsolgov et de nombreuses autres personnes en Ingouchie. Parmi ces disparus on compte Timour Yandiev, Rachid Ozdoïev et d’autres pour qui Magomed Moutsolgov a entrepris des recherches, ainsi que des personnes victimes de disparitions plus récentes, comme Ibraguim Gazdiev en 2007. « Nous suivons ces cas de disparitions forcées depuis six ans maintenant, les proches de ces personnes n’ont jamais cessé de chercher leur frère ou leur fils et ils ont demandé sans relâche aux autorités russes d’enquêter sur ces affaires », a déclaré Duckworth, directrice générale au sein d’Amnesty International. « Il est temps que la Russie respecte l’obligation qu’elle a de mener de véritables enquêtes sur ces violations des droits humains. D’autre part, les autorités russes doivent signer et ratifier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Nous profitons également de l’occasion pour appeler la Russie à respecter et à protéger les défenseurs des droits humains et à diligenter des enquêtes sur les attaques dont ils sont victimes. » L’Ingouchie est une république de 500 000 habitants appartenant à la Fédération de Russie et située enter la Tchétchénie et l’Ossétie du Nord.