Les femmes libanaises doivent avoir le droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants

Amnesty International exhorte les autorités libanaises à ne rien entreprendre pour infirmer une décision judiciaire marquante qui a autorisé une femme libanaise à transmettre sa nationalité à ses enfants. Mardi 13 avril 2010, une cour d’appel de Jdeidet el Metn, dans le Mont-Liban, a examiné l’affaire de Samira Soueidan, citoyenne libanaise qui s’est vue accorder en juin 2009 le droit de transmettre sa nationalité à trois de ses enfants nés au Liban. L’audience a duré entre 15 et 20 minutes avant que la juge, Mary Maoushi, ne déclare que le jugement serait rendu le 18 mai. Aux termes du droit libanais, les femmes, à la différence des hommes, ne peuvent transmettre leur nationalité à leur époux ni à leurs enfants. Ainsi, les enfants des Libanaises mariées à des ressortissants étrangers ne peuvent obtenir la nationalité libanaise. Samira Soueidan a entamé une procédure après le décès en 1994 de son mari, un ressortissant égyptien. « Si cette décision est infirmée, cela brisera les espoirs de milliers d’enfants nés de mères libanaises et de pères étrangers, qui sont traités comme des étrangers dans leur propre pays et privés d’accès à l’éducation publique, entre autres services », a déclaré Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. L’incapacité des femmes à transmettre leur nationalité à leur époux et à leurs enfants a des répercussions qui s’étendent à toute la famille. Les époux et les enfants doivent en permanence obtenir des permis de résidence et de travail afin de vivre et travailler légalement au Liban. Les enfants sont considérés comme des résidents, et non des citoyens, et ne bénéficient pas de l’accès à une éducation publique gratuite. Samira Soueidan a déclaré à Amnesty International lundi 12 avril 2010 que sa fille aînée, Zeina, âgée de 23 ans, n’était pas en mesure de poursuivre ses études de commerce parce que l’université libanaise demande aux étudiants étrangers de s’acquitter de frais de scolarité que sa famille ne peut prendre en charge. Les frais sont bien moins élevés pour les étudiants libanais. La deuxième fille de Samira Soueidan, Faten, 22 ans, a expliqué à Amnesty International : « On me traite comme une étrangère, alors que je me sens 100 % Libanaise. C’est là que vit ma famille. C’est là que j’ai toujours vécu… Je ne connais pas l’Égypte. « Il est très important pour moi d’arriver à vivre au Liban en tant que citoyenne libanaise. Cela me faciliterait grandement la vie. » Samira Soueidan a intenté une nouvelle action en justice contre l’État libanais en 2005, afin de contester la loi. Le 16 juin 2009, la Cinquième chambre du tribunal de première instance de Jdeidet el Metn, dans le Mont-Liban, s’est prononcée en sa faveur. Les juges John Qazzi, Rana Habaka et Lamis Kazma ont fondé leur décision sur la Constitution libanaise, qui énonce le principe d’égalité devant la loi pour tous les citoyens, hommes et femmes. Toutefois, cette décision de justice a été contestée par le parquet et une commission juridique du ministère de la Justice au nom de l’État libanais, respectivement en juillet et en septembre. L’affaire a été examinée par la Chambre civile de la cour d’appel le 13 avril. « En interjetant appel de la décision de justice prononcée en juin quelques mois seulement avant que le bilan du Liban en termes de droits humains ne fasse l’objet d’un contrôle dans le cadre de l’Examen périodique universel mené par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, l’État libanais adresse un message inquiétant et persiste à ébranler le principe fondateur de la non-discrimination, a poursuivi Hassiba Hadj Sahraoui. « Les autorités libanaises doivent prendre immédiatement des mesures afin de modifier la loi existante comportant des dispositions discriminatoires envers les femmes et emboîter le pas à l’Algérie, à l’Égypte et au Maroc, qui ont modifié leurs lois relatives à la nationalité ces dernières années afin que les femmes puissent transmettre leur nationalité à leur époux et à leurs enfants. »