Égypte : des allégations de torture ternissent les condamnations prononcées contre les membres présumés de la cellule du Hezbollah

À la suite d’allégations de torture, Amnesty International a demandé que 26 hommes condamnés à des peines de prison par un tribunal d’exception égyptien pour leurs liens présumés avec le Hezbollah, un mouvement libanais, bénéficient d’un nouveau procès devant un tribunal ordinaire. Ce mercredi 28 avril, le tribunal d’exception a condamné ces hommes – parmi lesquels figurent des Libanais, des Palestiniens, des Égyptiens et un Soudanais – à des peines allant de six mois d’emprisonnement à la réclusion à perpétuité. Ils ont été déclarés coupables sur la base d’« aveux » qui, selon eux, ont été obtenus sous la torture. « Ces hommes doivent être rejugés par un tribunal ordinaire afin de pouvoir bénéficier d’un procès équitable, a indiqué Amnesty International. Le fait de contourner la justice en confiant les affaires sensibles à des tribunaux d’exception sape le système pénal et favorise les atteintes aux droits humains. » Les cours de sûreté de l’État, instaurées par la législation d’exception de 1958, ne respectent pas les normes élémentaires d’équité des procès et ne garantissent aucun droit d’appel aux accusés. Par ailleurs, elles fondent leurs décisions sur des « aveux » extorqués sous la torture. Sur ordre du ministère de l’Intérieur, 22 des hommes évoqués plus haut ont été détenus au secret et dans des lieux inconnus pendant plusieurs mois à la suite de leur arrestation fin 2008 et début 2009. Les quatre autres, qui sont toujours en liberté, ont été condamnés par contumace. Ces 26 personnes devaient répondre de toute une série de chefs d’accusation, dont la planification d’attaques contre des sites touristiques, la détention d’explosifs et la transmission d’informations au Hezbollah libanais. On reprochait également à certaines d’entre elles d’avoir creusé des tunnels sous la frontière pour permettre l’entrée illégale de personnes et de biens dans la bande de Gaza depuis l’Égypte et d’avoir aidé des combattants à passer la frontière. Parmi les prévenus présents au procès figurait Mohamed Youssef Mansour (également appelé Sami Shihab), reconnu par le Hezbollah comme l’un de ses membres. Il a été condamné à 15 ans de réclusion. Le responsable présumé de la cellule, le Libanais Mohammed Qabalane, a été jugé par contumace, de même que trois autres personnes. Il a été condamné, quant à lui, à la réclusion à perpétuité. Lors du procès, les prévenus ont déclaré que leurs « aveux » avaient été extorqués sous la torture : des agents du Service de renseignement de la Sûreté de l’État – tristement célèbres pour les violences qu’ils infligent aux détenus – les auraient notamment passés à tabac et soumis à des décharges électriques. La Cour suprême de Sûreté de l’État n’a pas ordonné d’enquête indépendante et impartiale sur les allégations de torture et d’autres mauvais traitements formulées par les prévenus. En revanche, elle s’est appuyée sur leurs « aveux » pour les déclarer coupables. « Ce procès laisse un goût amer. Les prévenus ont affirmé avoir été torturés et ces déclarations ont été balayées du revers de la main ; ils n’ont pas pu bénéficier d’une réelle défense et ont été jugés par un tribunal d’exception, dont les décisions ne sont pas susceptibles d’appel devant une juridiction supérieure. Lorsqu’une condamnation est prononcée à l’issue d’un procès inique, cela ne peut que nuire à la justice », a ajouté Amnesty International. Le ministère de l’Intérieur n’a cessé de nier le fait que les prévenus avaient été torturés pendant leur détention. Le procès a débuté en août 2009. En octobre 2009, les avocats de la défense ont quitté le tribunal en accusant la cour de prendre parti contre les prévenus. Les condamnations prononcées mercredi précèdent de quelques semaines la fin de la période de deux ans qui a prolongé l’état d’urgence – instauré il y a 29 ans – et que les autorités décideront probablement de renouveler. Le gouvernement égyptien est tenu d’assurer la sécurité des personnes présentes sur son territoire. Il a également le droit de contrôler ses frontières. Cependant, il doit se conformer pleinement au droit international relatif aux droits humains et aux engagements pris en la matière. Le procès de ces personnes soupçonnées d’appartenir à une cellule du Hezbollah a eu pour toile de fond la tension croissante entre les autorités égyptiennes et ce mouvement à la suite des critiques qu’il a émises quant à la politique de l’État égyptien envers Gaza.