Amnesty International condamne le vote massif de la chambre basse du Parlement belge, jeudi 29 avril 2010, en faveur d’une loi interdisant le port du voile intégral dans l’espace public. Cent quarante et un parlementaires ont voté pour l’adoption de cette loi, deux se sont abstenus et aucun n’a voté contre. « Une interdiction générale du port du voile intégral violerait les droits à la liberté d’expression et de religion des femmes qui portent la burqa ou le niqab pour exprimer leur identité ou leurs convictions, a déclaré John Dalhuisen, chercheur spécialiste de la discrimination en Europe à Amnesty International. « L’initiative de la Belgique, premier État européen à interdire le port du voile intégral, établit un dangereux précédent. Toute restriction imposée à l’exercice des droits fondamentaux doit toujours être proportionnée à la réalisation d’un objectif légitime. L’interdiction générale du port du voile intégral ne serait pas proportionnée », a ajouté John Dalhuisen. Amnesty International a appelé le Sénat belge à exercer son droit de réviser le texte de loi et à l’examiner mûrement à la lumière des obligations incombant à la Belgique au titre du droit international relatif aux droits humains. Le Sénat doit demander au Conseil d’État belge de se prononcer sur la légalité de cette mesure. Bien que le texte de loi soit formulé en termes généraux et érige en infraction le fait de se dissimuler le visage de manière à rendre impossible toute identification, il ressort clairement des débats parlementaires que son principal objectif vise à interdire aux femmes musulmanes de porter un voile intégral tel que la burqa ou le niqab. Les politiciens belges ont fait valoir que cette loi s’imposait pour garantir la sécurité publique et protéger les femmes contre tout risque d’être forcées à porter ce voile. En vertu du droit international relatif aux droits humains, les seuls motifs légitimes pour restreindre les droits à la liberté d’expression et de religion sont la préservation de la sécurité, de l’ordre ou de la moralité publics et la protection des droits d’autrui. Amnesty International estime qu’il est possible de répondre à certaines préoccupations légitimes en matière de sécurité en établissant des restrictions précises sur le port du voile intégral dans des lieux bien définis où il existe un risque important. Ainsi, il sera légitime d’imposer aux personnes de se dévoiler lorsque cela s’avère objectivement nécessaire. « En l’absence d’un lien démontrable entre le port du voile intégral en Belgique et une véritable mise en danger de la sécurité publique, on ne saurait justifier la restriction de la liberté d’expression et de religion qu’entraînerait une interdiction complète du port du voile intégral dans l’espace public », a expliqué John Dalhuisen. Les États sont dans l’obligation de protéger les femmes face à toute tentative au sein de leur foyer ou de leur milieu de les contraindre à porter le voile intégral et doivent intervenir dans chaque cas individuel, en s’appuyant sur les juridictions pénales ou sur celles dont relèvent les affaires familiales. En outre, ils sont tenus de combattre les stéréotypes en matière de genre qui entraînent une discrimination envers les femmes. Ils doivent, à cette fin, élaborer toute une série de politiques publiques et sociales et mettre en place des mesures en matière d’éducation. « Loin de servir les droits des femmes, une interdiction générale violerait les droits de celles qui choisissent de porter le voile intégral, tout en ne protégeant guère celles qui y sont contraintes et risqueraient d’être en butte à un isolement encore plus grand. Les États ne sauraient s’acquitter de l’obligation de combattre la discrimination en imposant une mesure qui est elle-même discriminatoire », a conclu John Dalhuisen.