Bangladesh : chacun peut désormais voir l’exposition de photographies sur les exécutions extrajudiciaires

Amnesty International salue la décision du gouvernement du Bangladesh de lever l’interdiction concernant une exposition de photographies qui mettent en lumière les exécutions extrajudiciaires dont seraient responsables les membres d’une unité spéciale de la police. Mardi 30 mars 2010, la Haute cour de Dacca a examiné une requête mettant en cause la police qui avait encerclé la Drik Picture Library et empêché les visiteurs de se rendre à l’exposition Crossfire (« pris entre deux feux »). Cette requête a été introduite par le directeur de la Drik Picture Library, Shahidul Alam, photojournaliste à l’initiative de l’exposition qui dévoile notamment des photographies inspirées d’études de cas réalisées par la Drik, des images et des cartes présentant les sites où auraient été retrouvées les victimes d’exécutions extrajudiciaires au Bangladesh, que les responsables du gouvernement décrivent comme des victimes de fusillades. L’audience n’a pas donné lieu à une décision de la cour, les avocats du gouvernement ayant informé les juges que les policiers avaient déjà reçu l’ordre de ne plus se poster à l’entrée de la galerie. La cour a encouragé les requérants à former un nouveau recours si d’autres restrictions étaient imposées à la Drik Picture Library. Amnesty International exhorte les autorités du Bangladesh à ne plus restreindre en aucune façon les protestations pacifiques dénonçant les exécutions extrajudiciaires et à traduire les responsables présumés en justice. Des centaines de personnes ont été tuées au Bangladesh depuis 2004, date de la mise sur pied du Bataillon d’action rapide (RAB), branche spéciale de la police. Dans la plupart des cas, lorsque des victimes trouvent la mort alors qu’elles sont aux mains du RAB et d’autres forces de police, les autorités annoncent ensuite qu’elles ont été « prises entre deux feux » ou ont péri au cours de « fusillades » avec la police. Amnesty International et d’autres organisations de défense des droits humains considèrent que ces homicides sont des exécutions extrajudiciaires. « Nous avons remporté une victoire sur plusieurs fronts, a déclaré Shahidul Alam au lendemain de l’examen de sa requête par la Haute cour. « Le droit des Bangladais d’être informés, le droit des artistes et des professionnels des médias de s’exprimer et le droit des citoyens de dénoncer l’injustice sont tous des paramètres essentiels. Surtout, le fait que la justice tienne tête au gouvernement redonne espoir aux personnes qui se battent pour instaurer l’état de droit. « C’est arrivé parce que la nation était unie dans la protestation et il faut continuer à dénoncer toutes les formes d’injustice. » Dans un courriel adressé ultérieurement à Amnesty International, il ajoutait : « Les déclarations d’Amnesty International et d’autres organisations de défense des droits humains ont également joué un rôle dans la divulgation de cette affaire et dans la mobilisation de l’opinion publique et, j’en suis convaincu, elles ont influencé les décisions prises par le gouvernement. Cette solidarité est notre arme la plus puissante. » L’exposition a officiellement rouvert ses portes lors d’une conférence de presse donnée le 31 mars 2010, après avoir fermé pendant plus d’une semaine. En effet, le 22 mars, quelques heures avant l’inauguration de Crossfire, des policiers se sont présentés et ont exigé que les organisateurs annulent cet événement. Lorsque ceux-ci ont refusé, les policiers ont fermé les lieux, alléguant qu’aucune autorisation officielle n’avait été délivrée pour cette exposition, qui allait « générer l’anarchie ». Des policiers ont été postés à l’entrée de la galerie pendant une semaine, jusqu’à ce qu’ils reçoivent l’ordre de se retirer dans l’après-midi du 30 mars.