Le contrôle des forces spéciales américaines en Afghanistan est un pas en avant vers la responsabilisation

Les nouvelles mesures prises par l’armée américaine afin de contrôler les activités des forces d’opérations spéciales en Afghanistan sont une avancée bienvenue, mais il faut faire davantage pour renforcer l’obligation de rendre des comptes concernant les pertes civiles résultant d’opérations militaires, a déclaré Amnesty International. Le général Stanley McChrystal, commandant des forces américaines et de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS), placée sous commandement de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), a placé pour la première fois la plupart des forces d’opérations spéciales américaines sous la même chaîne de commandement que les troupes régulières des États-Unis et de l’OTAN, en réponse au ressentiment nourri par le nombre de victimes au sein de la population civile afghane. « Placer la plupart des forces d’opérations spéciales sous la chaîne de commandement des unités régulières constitue une mesure cruciale vers une sécurité accrue pour les citoyens afghans. Toutefois, cela n’oblitère pas la menace qui pèse sur tous les civils tant que toutes les troupes, régulières ou appartenant aux opérations spéciales, ne sont pas soumises à une procédure de responsabilisation transparente et adaptée, a déclaré Sam Zarifi, directeur du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International. « Une facette importante du problème est que même les forces régulières des États-Unis et de l’OTAN présentent un bilan désastreux en matière d’obligation de rendre des comptes. Pendant bien trop longtemps, les forces occidentales, notamment américaines, ont agi en se plaçant au-dessus des lois en Afghanistan. Si les lois de la guerre sont bafouées lors d’une opération militaire, il convient de diligenter une enquête sérieuse et transparente et de traduire en justice les personnes ayant ordonné ou participé à cette opération, et de les sanctionner le cas échéant. » Les forces d’opérations spéciales en Afghanistan suivent leurs propres règles d’engagement, et sont de ce fait accusées de ne pas prendre les précautions suffisantes pour éviter les pertes civiles. La nature complexe des forces de la coalition des États-Unis et de l’OTAN, ainsi que leurs accords bilatéraux avec le gouvernement afghan, ont donné lieu à des chaînes de commandement distinctes et confuses – ce qui favorise la faible obligation de rendre des comptes pour les pertes civiles résultant d’opérations militaires. « Ces forces spéciales, telles que la Delta force et les Navy seals de l’armée américaine, ou les unités spéciales d’autres pays, qui ne sont pas intégrées dans la chaîne de commandement des unités régulières, doivent elles aussi rendre des comptes pour leurs agissements », a expliqué Sam Zarifi. D’après la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA), sur les 2 412 victimes civiles recensées en Afghanistan en 2009, 1 630 (67 %) étaient imputables aux talibans et à d’autres groupes rebelles. Selon la MANUA, les forces internationales et les forces afghanes de sécurité nationale sont responsables de près de 600 morts parmi la population civile – dont 359 lors de bombardements aériens et 98 lors de raids nocturnes et d’opérations de ratissage menés par les forces d’opérations spéciales. On constate une baisse de 28 % par rapport au nombre total de victimes attribuées au gouvernement afghan et aux forces internationales en 2008. Le 4 mars 2010, le général McChrystal a transmis de nouvelles directives tactiques incluant des lignes directrices pour les raids nocturnes menés par toutes les forces de la FIAS présentes sur le sol afghan. L’homicide de deux frères à Kandahar, au milieu de la nuit, en janvier 2008, est un exemple frappant de l’impunité accordée aux forces internationales. Amnesty International a rendu compte de cette affaire et du problème général de l’impunité dont bénéficient les forces d’opérations spéciales en Afghanistan dans un rapport publié en février 2009 sous le titre Getting Away with Murder? The impunity of international forces in Afghanistan. D’après les recherches d’Amnesty International à Kandahar, Abdul Habib et Mohammed Ali, qui n’étaient pas armés, ont été tués à bout portant par des membres des forces internationales en tenue de camouflage. Personne n’a admis être responsable de ces homicides, malgré les enquêtes réalisées par Amnesty International, par la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan et par le rapporteur spécial de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires. Actuellement, des militaires originaires de plus de 40 États sont en opération en Afghanistan : la plupart sont mandatés par la FIAS et déployés par l’OTAN, tandis qu’un moindre effectif prend part à l’opération de lutte contre le terrorisme Liberté immuable sous commandement américain. Outre les forces militaires régulières déployées en Afghanistan, de nombreux agents des services de renseignements civils, ainsi que des prestataires privés et des milices locales, mènent des opérations militaires. « Les forces internationales, notamment américaines, doivent veiller à ce que les forces spéciales, les services de renseignements et les prestataires privés soient régis par les principes du droit. La majorité des Afghans ne font pas de distinction entre ces diverses forces et les victimes ont le droit d’obtenir justice, quel que soit le corps de l’armée jugé responsable », a conclu Sam Zarifi.