Yémen : un journaliste détenu au secret «comparaît devant un procureur»

Amnesty International s’est à nouveau dite préoccupée au sujet d’un journaliste yéménite critique à l’égard du gouvernement détenu au secret depuis le mois de septembre, après avoir été informée par des journalistes qu’il avait comparu devant un procureur lundi 1er février à Sanaa, la capitale du pays.

Des journalistes yéménites ont en effet indiqué à Amnesty International que Muhammad al Maqalih avait comparu devant un procureur du tribunal pénal spécial qui, selon certaines informations, est loin de respecter les normes internationales relatives à l’équité des procès.

Il n’aurait pas été autorisé à être assisté d’un avocat lors de son interrogatoire, et l’on ignore ce qui lui est reproché et quand son procès débutera.

Muhammad al Maqalih est membre du Parti socialiste yéménite (PSY), et l’ancien rédacteur du site Internet de ce parti. On pense qu’il a été arrêté en raison de ses commentaires au sujet de l’attitude du gouvernement dans le cadre du conflit qui l’oppose aux fidèles du dignitaire chiite zaïdite décédé Hussein al Huthi dans la région de Saada, dans le nord du pays.

Selon des militants des droits humains au Yémen, son arrestation est en particulier liée à ses commentaires critiques, publiés sur le site du PSY, portant sur une opération de l’armée s’étant soldée par la mort de civils dans la région de Saada.

Amnesty International estime que cet homme est vraisemblablement un prisonnier d’opinion : il est apparemment détenu uniquement pour avoir exercé, pacifiquement, son droit à la liberté d’expression. L’organisation demande dans ces circonstances sa libération immédiate et sans condition.

Muhammad al Maqalih a été enlevé dans la rue à Sanaa le 17 septembre 2009 par des hommes appartenant apparemment aux forces de sécurité. Des témoins ont indiqué à sa famille qu’il avait été emmené par un groupe d’hommes en civil qui étaient arrivés à bord d’un minibus blanc dont les plaques d’immatriculation étaient masquées.

Depuis, la famille de Muhammad al Maqalih a organisé devant le siège du gouvernement plusieurs sit-in de protestation auxquels ont participé des journalistes et de simples citoyens.

Amnesty International a écrit au ministre yéménite de la Défense le 21 octobre 2009 pour lui demander où était détenu le journaliste, et pour lui faire part de ses inquiétudes quant au fait qu’il est maintenu en détention au secret depuis son arrestation, qu’il risque d’être soumis à la torture ou à d’autres formes de mauvais traitements et qu’il a peut-être subi une disparition forcée.

Le ministre de l’Information a reconnu en décembre 2009 que Muhammad al Maqalih était détenu par l’État.

Les autorités yéménites ont cependant refusé de révéler où il se trouvait et quel était son statut au regard de la loi, et elles ne lui ont toujours pas permis de consulter un avocat ou de prendre contact avec sa famille.

Ceux qui s’opposent à l’État yéménite ou qui le critiquent risquent souvent d’être arrêtés et placés en détention, en particulier durant les périodes de crise politique.

Le tribunal pénal spécial respecte le Code de procédure pénale mais les avocats de la défense affirment que ses juges ne sont pas impartiaux et qu’ils ne leur permettent pas de préparer une défense efficace ; ils ont indiqué que leur droit de préparer la défense de leur client était entravé par des restrictions qui les empêchent d’accéder comme il se doit aux dossiers de ces derniers, et que leurs contestations relatives à des irrégularités de procédure sont rarement prises en considération.

La région de Saada, dont les habitants appartiennent majoritairement à la minorité chiite zaïdite du pays, a connu plusieurs périodes de conflit ces dernières années. Des affrontements armés ont régulièrement eu lieu entre les forces de sécurité gouvernementales et les fidèles d’Hussein al Huthi, tué par les forces gouvernementales en 2004.

La dernière vague de violences a débuté à la mi-août lorsque la région a été pratiquement placée sous état d’urgence et quand les forces gouvernementales ont procédé à une série d’attaques d’intensité croissante.