Nicaragua : les femmes enceintes confrontées à de graves dangers

La militante Ana María Pizarro a expliqué à Amnesty International qu’au Nicaragua les femmes enceintes risquent de perdre la vie à cause de la médiocrité des services de santé et de l’interdiction de l’avortement.

Beaucoup de jeunes femmes disent : « Je ne peux pas prendre le risque de tomber enceinte dans ce pays. »

Le Nicaragua ne peut pas avoir une loi qui réprime pénalement une chose qui arrive uniquement dans le corps des femmes car à ce moment-là il n’y a plus d’égalité devant la loi.

Au Nicaragua les femmes ont peur de fonder une famille, de tomber enceintes. Beaucoup de jeunes femmes disent : « Je ne peux pas prendre le risque de tomber enceinte dans ce pays parce que j’ai peur des complications [médicales] qui pourraient me faire perdre la vie. »

J’ai travaillé pendant dix ans dans le secteur de la santé publique. Avant, il y avait une commission d’examen pour les interruptions de grossesse, dans les hôpitaux publics. Maintenant, dans les hôpitaux publics, on laisse les femmes mourir parce qu’on a peur. Il y a des femmes [enceintes] avec des maladies curables qui ne sont pas soignées.

Les femmes qui ont de l’argent peuvent payer un avortement [clandestin] mais les femmes pauvres continuent d’utiliser des méthodes rudimentaires et dangereuses car elles ne peuvent pas avorter dans des conditions sûres.

On est face à un problème de justice sociale. Dans les deux cas les femmes peuvent être envoyées en prison. Mais la différence c’est que les femmes pauvres meurent alors que celles qui ont des moyens financiers ne courent aucun danger car elles ont la possibilité de trouver des professionnels qui peuvent pratiquer un avortement en toute sécurité.

Un des cas dont j’ai eu connaissance est arrivé dans la région de Condega, dans l’une des provinces du Nicaragua.

Une jeune femme de 25 ans est arrivée dans un dispensaire un samedi à cinq heures du matin. Là, on a diagnostiqué un avortement provoqué. En l’espace de deux heures l’infirmière et le médecin du dispensaire ont prévenu la police, et à sept heures la police était déjà en train d’interroger la jeune femme.

Pendant que la jeune femme subissait un prélèvement utérin, un médecin a filmé la scène et pris des photos alors qu’elle était nue à ce moment-là. La police aussi a pris des photos de la jeune femme pendant l’intervention et alors qu’elle était nue.

Le lundi suivant, la jeune femme a été transférée à l’hôpital et son cas a été déféré aux services du procureur. Les services du procureur ont passé le dossier au médecin légiste, qui a pratiqué sur elle un examen médicolégal, et le mardi elle a été inculpée devant un tribunal. Elle a été interrogée alors qu’elle était sous perfusion et sous traitement médical.

Le médecin a dit qu’elle n’avait pas besoin d’avocat et elle a été poussée à témoigner contre elle-même et à s’avouer coupable. On l’a obligée à donner des informations précises, par exemple sur comment l’avortement avait été pratiqué.

Sans qu’il y ait eu de procès elle a été assignée à domicile pour une période de six mois, ce qui est la sanction prévue par la loi. Depuis, on l’a obligée à fournir des preuves contre elle-même ; le procès n’a pas été nécessaire. Elle est actuellement en train de purger sa peine.

Tout cela s’est passé très vite. Ce n’est pas du tout pareil avec les violeurs, les meurtriers, ceux qui maltraitent des femmes, ou encore dans les affaires de corruption ou de violences, qui sont tellement fréquentes au Nicaragua.