Le procès de dissidents vietnamiens est une parodie de justice

Amnesty International demande la libération immédiate et inconditionnelle de quatre prisonniers d’opinion vietnamiens condamnés ce 20 janvier 2010 pour avoir milité pacifiquement en faveur de la démocratie.

Lors d’un procès qui a duré une journée, un tribunal d’Ho Chi Minh-Ville a déclaré les quatre dissidents coupables d’« activités visant à renverser le gouvernement du peuple » et les a condamnés à des peines d’emprisonnement allant de cinq à seize ans.

« Ces personnes n’auraient même jamais dû être arrêtées, encore moins inculpées et condamnées. Durant le procès, les accusés n’ont pas bénéficié d’une défense digne de ce nom, ce qui illustre de manière criante l’absence de tolérance à l’égard de la liberté d’expression et de la dissidence pacifique, ainsi que le manque d’indépendance du tribunal », a déclaré Brittis Edman, responsable des recherches sur le Viêt-Nam au sein d’Amnesty International.

Ces condamnations interviennent sur fond de répression croissante contre les détracteurs du gouvernement. Une nouvelle vague d’arrestations a été lancée en mai 2009, ciblant les avocats indépendants, les blogueurs et les militants de la démocratie, qui critiquent la politique menée par le gouvernement. Plus de 30 prisonniers d’opinion ont été placés derrière les barreaux à l’issue de procès iniques.

Le tribunal d’Ho Chi Minh-Ville a condamné Tran Huynh Duy Thuc, quarante-trois ans, ancien homme d’affaires à la tête d’une société Internet, à une peine de seize ans d’emprisonnement, assortie d’une période d’assignation à résidence de cinq ans, qui débutera à l’issue de son incarcération. Ingénieur informaticien et blogueur de vingt-six ans, Nguyen Tien Trung a été condamné à sept ans de prison, tandis que l’éminent avocat Le Cong Dinh, quarante et un ans, et l’homme d’affaires Le Thang Long, quarante-deux ans, ont tous deux écopé d’une peine de cinq ans.

En décembre 2009, le ministère public a décidé de requalifier les charges retenues au titre de l’article 88 contre les quatre hommes, accusés d’avoir mené « une propagande contre l’État », et de les inculper au titre de l’article 79, plus grave, qui sanctionne les « activités visant à renverser le gouvernement du peuple ».

« Ce procès, totale parodie de justice, a fait fi des droits les plus fondamentaux tels que le principe de la présomption d’innocence et le droit de se défendre », a déploré Brittis Edman.

L’accusation n’a fourni aucune preuve venant étayer l’acte d’inculpation et les juges n’ont délibéré que pendant quinze minutes avant de rendre leur décision. Or, il a fallu quarante-cinq minutes pour la lire, ce qui montre clairement qu’elle avait été préparée avant l’audience.

Des membres de la famille, des diplomates et des journalistes ont suivi les débats sur un écran de télévision en circuit fermé depuis une pièce adjacente. Beaucoup n’avaient pas été autorisés à y assister, notamment plusieurs membres de la famille de Tran Huynh Duy Thuc.

Par ailleurs, ce procès fait ressortir à quel point il est urgent de réformer les graves lacunes du Code pénal de 1999, dont les dispositions vagues érigent en infraction la dissidence pacifique, en violation des obligations qui incombent au Viêt-Nam au titre du droit international.

L’article 79, intitulé Mener des activités visant à renverser le gouvernement du peuple, dispose que :
Toute personne qui mène des activités, fonde ou rejoint une organisation dans l’intention de renverser le gouvernement du peuple sera passible des sanctions suivantes :

Les organisateurs, les instigateurs et les membres actifs, ou tous ceux qui causent de graves conséquences, seront condamnés à des peines d’emprisonnement allant de douze à vingt ans, à la détention à perpétuité ou à la peine capitale.
Les autres complices seront passibles de peines d’emprisonnement comprises entre cinq et quinze ans.