Yémen : les droits humains sont menacés par une répression accrue

Le 26 janvier 2010, Amnesty International a averti le gouvernement du Yémen que sa réponse musclée à la menace posée par al Qaïda risquait d’entraîner le pays dans l’engrenage de la multiplication des atteintes aux droits humains.

Dans sa dernière synthèse sur le Yémen, publiée à la veille d’une rencontre internationale de haut niveau prévue le 27 janvier 2010 à Londres, Amnesty International attire l’attention sur la recrudescence des violations des droits fondamentaux à l’égard des opposants et des détracteurs du gouvernement.

« Nous redoutons que les demandes internationales en faveur d’une répression contre les partisans présumés d’al Qaïda ne soient interprétées par le gouvernement comme un feu vert pour écraser toute opposition, au mépris des droits humains », a déclaré Malcolm Smart, directeur du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

Il semble que le gouvernement ait encore durci sa répression contre les membres présumés d’al Qaïda depuis que certaines informations ont signalé que le ressortissant nigérian accusé d’avoir tenté de faire exploser un avion au-dessus de Détroit en décembre 2009 s’était entraîné au Yémen.

D’après les forces de sécurité, plusieurs dirigeants et militants d’al Qaïda ont été abattus ou capturés. Les forces gouvernementales ont également tué des proches de ces suspects.

Au cours des dix dernières années, le Yémen a été frappé de manière sporadique par des attentats menés par al Qaïda et des groupes qui lui seraient affiliés.

Toutefois, la plupart des atteintes aux droits humains ont été commises dans le cadre des affrontements qui opposent les forces gouvernementales aux rebelles armés de la minorité chiite zaïdite dans le nord, et à un mouvement séparatiste majoritairement pacifique et en pleine expansion dans le sud, deux conflits qui ne semblent pas liés à al Qaïda.

« Le gouvernement yéménite recourt à des méthodes de plus en plus répressives afin de contrer cette opposition, notamment à des vagues d’arrestations, à des détentions au secret et à des homicides illégaux, a expliqué Malcolm Smart.

« La lutte contre le terrorisme ne saurait excuser le fait de reléguer les droits humains au second plan. Si le gouvernement a le devoir de protéger les gens et d’obliger les terroristes présumés à répondre de leurs actes, il doit s’acquitter des obligations qui lui incombent au regard du droit international. »

À Saada, dans le nord du pays, le conflit qui oppose de longue date les forces du gouvernement aux Huthis, combattants armés membres de la minorité chiite zaïdite, a repris de plus belle en août 2009, marqué par de graves atteintes aux droits humains imputables aux deux camps.

Des civils auraient été tués par les deux camps et, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), plus de 200 000 personnes ont été déplacées de force à ce jour.

Le gouvernement a bouclé la région, étouffant toute information indépendante sur le conflit, tandis que les organisations humanitaires doivent faire face à des difficultés constantes pour acheminer l’aide aux personnes en danger.

En outre, les civils ont été mis en péril, et parfois tués, par les forces de sécurité saoudiennes qui ont mené des attaques contre les rebelles dans la région frontalière du nord du Yémen. Ces attaques n’ont absolument pas garanti la protection de la population civile.

À Aden et dans d’autres villes du sud, le gouvernement doit faire face à des protestations de plus en plus nombreuses de la population locale quant à l’incapacité dont il fait preuve pour remédier à la discrimination.

Il a répondu avec brutalité à ces manifestations : des manifestants non armés ont été abattus dans la rue, tandis que les porteurs des revendications locales étaient appréhendés et placés en détention. Depuis le début des protestations en 2007, les forces de sécurité ont arrêté et détenu, bien souvent de manière arbitraire, des milliers de manifestants et de passants.

Les médias indépendants au Yémen ont également été la cible d’attaques virulentes en lien avec les troubles qui secouent le sud du pays. Les forces de sécurité ont fait irruption dans les bureaux de certains journaux, bloqué la distribution des journaux et arrêté des journalistes qui critiquaient le gouvernement.