Un rédacteur en chef yéménite et deux de ses fils incarcérés risquent d’être torturés

Amnesty International a demandé aux autorités yéménites de veiller à ce que le rédacteur en chef du journal Al Ayyam et ses deux fils, tous les trois arrêtés début janvier, soient protégés contre toute forme de torture ou d’autres mauvais traitements.

Hisham Bashraheel et ses fils Muhammad et Hani ont été interpellés après avoir participé à un sit-in le 4 janvier devant les locaux du quotidien à Aden, dans le sud du pays, pour protester contre l’interdiction effective d’impression et de distribution dont les autorités ont frappé Al Ayyam il y a de cela huit mois.

Le même jour, les forces de l’ordre ont ouvert le feu sur les manifestants, et les agents de sécurité du journal ont riposté. L’échange de tirs a fait un mort et trois blessés chez les forces de l’ordre et autant de victimes chez les agents de sécurité.

« Nous craignons qu’Hisham Bashraheel et ses fils ne soient des prisonniers d’opinion, incarcérés uniquement pour avoir exercé de manière pacifique leur droit à la liberté d’expression et de réunion. Si tel est le cas, ils doivent être relâchés sans délai ni conditions », a affirmé Philip Luther, directeur adjoint du Programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

Hisham et Hani Bashraheel ont été arrêtés le 6 janvier, et Muhammad Bashraheel le 5 janvier. Les trois hommes sont actuellement détenus et interrogés au service des enquêtes criminelles, à Aden.

Ils ont tous les trois été autorisés à recevoir la visite de leurs proches et de leurs avocats à deux reprises au moins depuis le 12 janvier, ce qui semble leur avoir été auparavant refusé.

D’après ses recherches sur la pratique systématique de la torture et d’autres formes de mauvais traitements au Yémen depuis plusieurs années, Amnesty International estime qu’Hisham, Hani et Muhammad Bashraheel risquent d’être soumis à ce type de sévices du fait du lieu et de la nature de leur détention.

Le 30 avril 2009, les autorités ont lancé une répression contre Al Ayyam, quotidien yéménite à grand tirage, saisissant tous les exemplaires du journal disponibles dans les kiosques et autres points de vente situés à Sanaa, la capitale, et dans des villes du sud du pays.

Elles ont appliqué la même mesure à l’encontre de six autres journaux le 4 mai, tandis que les forces de l’ordre bloquaient l’accès aux locaux d’Al Ayyam pour empêcher la distribution du journal.

Le 5 mai, le gouvernement a annoncé sa décision d’interdire la publication de tous les journaux qui, selon lui, avaient exprimé des points de vue favorables à la sécession du sud du pays dans leurs articles consacrés aux manifestations dans cette région.

Malgré cette interdiction, Al Ayyam a publié quelques articles sur son site web en 2009.

Le 13 mai, les forces de l’ordre ont pris d’assaut les locaux d’Al Ayyam, tuant deux hommes – dont un agent de sécurité – et blessant un troisième. Elles tentaient de procéder à l’arrestation d’Hisham Bashraheel en relation avec des faits survenus en février 2008 ; des hommes armés avaient ouvert le feu sur sa résidence et des agents de sécurité avaient répondu à ces tirs. Un des agresseurs avait été tué et un autre blessé.

Hisham Bashraheel n’a pas été inculpé dans le cadre de cette affaire, mais d’autres personnes sont en instance de jugement pour l’homicide commis. Amnesty International craint que cet homme n’ait uniquement été pris pour cible en raison des articles publiés dans Al Ayyam sur le mouvement de protestation dans le sud du pays.

Les mesures prises à l’encontre de sept journaux, dont Al Ayyam, sont intervenues à la suite de la parution dans ces journaux d’articles consacrés aux manifestations dans le sud du pays au cours de la période précédant le 27 avril 2009, quinzième anniversaire du début de la guerre civile qui a opposé, pendant trois mois, le gouvernement yéménite de Sanaa aux séparatistes du sud.

Une coalition de groupes politiques appelée Mouvement du sud qui, selon le gouvernement, appelle à l’indépendance de la région sud du pays, serait à l’origine de ces manifestations.

Amnesty International a engagé les autorités yéménites à autoriser dans les meilleurs délais les trois détenus à être régulièrement en contact avec les avocats de leur choix et leurs proches, ainsi qu’à bénéficier de tous les soins médicaux dont ils pourraient avoir besoin.

« Le gouvernement doit révéler la nature des charges éventuellement retenues contre ces hommes et s’assurer que toute procédure engagée à leur encontre soit conforme aux normes internationales d’équité des procès », a déclaré Philip Luther.