Les autorités iraniennes devraient lever l’interdiction de voyager qui pèse depuis plusieurs années sur le journaliste et militant Emadeddin Baghi, et qui l’a empêché d’aller recevoir en mains propres à Genève le prestigieux prix Martin Ennals décerné aux défenseurs des droits humains, a déclaré Amnesty International.
La cérémonie de remise du prix a eu lieu à Genève ce lundi 2 novembre. Emadeddin Baghi est le premier lauréat de ce prix, créé il y a dix-huit ans, qui se voit empêcher d’aller le recevoir en mains propres.
Lors d’un échange téléphonique lundi avec Amnesty International, Emadeddin Baghi a indiqué qu’Hans Thoolen, le président du jury du prix Martin Ennals, et lui-même avaient demandé, en vain, la levée de cette interdiction de voyager.
« Emadeddin Baghi a de moins en moins la possibilité de faire entendre sa voix en Iran », a déploré Hans Thoolen.
Depuis octobre 2004, les autorités iraniennes ne permettent plus à Emaddedin Baghi de sortir du pays pour se rendre à l’étranger. En avril 2008 il n’a pas été autorisé à aller à Londres pour y recevoir un autre prix, celui du journaliste international de l’année décerné par la presse britannique.
Le 31 juillet 2007, Emadeddin Baghi a été condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement par la sixième chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran, qui l’a déclaré coupable d’« agissements contre la sûreté de l’État » et de « propagande contre le système ».
Ces accusations faisaient suite à des interviews qu’il avait accordées aux médias et à des lettres qu’il avait adressées aux autorités en tant que président de l’Association pour la défense des droits des prisonniers, une organisation non gouvernementale (ONG).
Il y avait critiqué les peines de mort prononcées à l’issue de procès inéquitables contre plusieurs Arabes d’Iran accusés d’avoir participé à des attentats à l’explosif ayant eu lieu à Ahvaz (province du Khuzestan) entre juin et octobre 2005.
Cette peine de trois ans de prison a été annulée en appel, mais Emadeddin Baghi a été arrêté en octobre 2007 et contraint de purger une précédente peine d’un an d’emprisonnement avec sursis à laquelle il avait été condamné en 2003 à l’issue d’un procès inique. Il a été relâché en octobre 2008, mais risque toujours d’être emprisonné pour d’autres motifs.
Les autorités judiciaires ont fermé les bureaux de l’Association pour la défense des droits des prisonniers en septembre 2009. Depuis sa création cette association rassemblait des informations sur des cas de torture et d’autres violences infligées à des détenus.
Emadeddin Baghi a le courage de défendre ses convictions ; il pense notamment que le Coran ne tolère pas la peine de mort, ni les homicides ou détentions arbitraires. Il s’est efforcé avec persévérance de faire connaître au public ses opinions sans jamais prôner la violence.
Lui-même et sa famille ont été visés par une déferlante de mesures judiciaires et quasi judiciaires. Mais la force de ses propos, fondés sur un discours religieux et universitaire, lui a par ailleurs valu le respect d’une partie du monde ecclésiastique, et certains de ses livres et articles ont été publiés en Iran.
Lors de la conférence de presse qui a eu lieu lundi au Palais Eynard, à Genève, la Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a remis le prix à la personne qui représentait Emadeddin Baghi. La cantatrice Barbara Hendricks a chanté en son honneur, et l’on a pu voir des images exclusives d’un film tourné par un réalisateur qui avait quelque temps auparavant rencontré Emadeddin Baghi en Iran.
Le prix Martin Ennals est une récompense décernée par le mouvement de défense des droits humains. Il est le fruit d’une collaboration entre 10 des principales organisations œuvrant en faveur de ces droits dans le monde.
Le jury est composé des ONG suivantes : Amnesty International ; Human Rights Watch ; Human Rights First ; la Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme (FIDH) ; l’Organisation mondiale contre la Torture ; la Commission internationale de juristes (CIJ) ; Diakonie Allemagne ; le Service international pour les droits de l’homme (SIDH) ; Front Line et le Système d’information et de documentation sur les droits humains (HURIDOCS).
Personnalités parrainant le Prix Martin Ennals : Louise Arbour, Asma Jahangir, José Ramos-Horta, Theo van Boven, Adama Dieng, Leandro Despouy, Barbara Hendricks, Robert Fulghum et Werner Lottje.