Ouganda : la loi contre l’homosexualité menace les libertés et les défenseurs des droits humains

Le projet de loi contre l’homosexualité soumis au Parlement ougandais le 14 octobre 2009 bafoue les libertés fondamentales et doit être immédiatement retiré, a déclaré un collectif de 17 organisations locales et internationales de défense des droits humains ce vendredi 16 octobre.

« Ce projet de loi est un coup porté à la progression de la démocratie en Ouganda, a déploré David Kato de Sexual Minorities Uganda. Il va à l’encontre de l’esprit d’ouverture dont nous avons besoin pour notre développement économique et politique. Son essence est profondément anti-démocratique et aux antipodes de la culture africaine. »

Dans le cadre d’une attaque contre la liberté d’expression, une nouvelle disposition d’envergure prohibe la « promotion de l’homosexualité », et interdit notamment de publier des informations et de fournir des fonds, des lieux ou toute autre ressource pour mener des activités sur ce sujet. Toute personne reconnue coupable d’une telle infraction est passible d’une peine allant jusqu’à sept ans d’emprisonnement.

« Il s’agit sans conteste de diviser et d’affaiblir la société civile en frappant l’un de ses groupes les plus marginalisés, a accusé Scott Long, directeur du programme sur les droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres de Human Rights Watch. Le gouvernement n’en est qu’à ses débuts, qui seront les suivants ? »

Ce projet de loi érige en infraction le travail légitime des militants et des groupes nationaux et internationaux qui œuvrent à la défense et à la promotion des droits humains en Ouganda. En outre, il met des bâtons dans les roues de tous ceux qui s’efforcent de faire de la prévention efficace contre le VIH/sida.

« La discrimination et ce genre de lois punitives, qui ciblent les groupes marginalisés et les personnes souvent les plus touchées par le VIH, les condamnent à la clandestinité et ne contribuent en rien à freiner l’épidémie de sida », a fait savoir Daniel Molokele, directeur du programme Afrique de World AIDS Campaign.

Dans le cadre de la législation actuelle, la police arrête de manière arbitraire et maintient en détention des hommes et des femmes accusés d’avoir eu des relations sexuelles entre adultes consentants du même sexe. Des organisations de défense des droits humains ont recensé des cas de torture et d’autres mauvais traitements infligés en détention à des lesbiennes et à des gays en raison de leur orientation sexuelle.

« Plusieurs articles de ce projet de loi sont non seulement illégaux, mais aussi immoraux, a indiqué Kate Sheill, spécialiste des droits sexuels à Amnesty International. Certains membres de la société sont considérés comme des délinquants, simplement en raison de ce qu’ils sont, alors que le gouvernement devrait au contraire les protéger contre les discriminations et les violences. »

Au cours des derniers mois, la campagne contre l’homosexualité s’est intensifiée en Ouganda, orchestrée par des Églises et des organisations homophobes. Les médias s’y sont associés et ont publiquement montré du doigt des personnes qu’ils accusent d’être gays ou lesbiennes.

Des personnes soupçonnées d’être gays ou lesbiennes ont été menacées de mort et agressées physiquement. Beaucoup ont été ostracisées par leur famille ou victimes de discrimination, en étant par exemple licenciées.

Ce nouveau projet de loi prévoit une peine allant jusqu’à trois ans de prison pour sanctionner quiconque, y compris les hétérosexuels, ne signale pas dans les vingt-quatre heures les noms des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres qu’il connaît, ou des personnes qui défendent leurs droits fondamentaux.

« Cette loi provocatrice sera perçue comme un feu vert autorisant à agresser, voire tuer, des personnes soupçonnées d’être lesbiennes, gays, bisexuels ou transgenres, a déploré Victor Mukasa, de la Commission internationale pour les droits des gays et lesbiennes. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités et retirer immédiatement ce texte de loi dangereux. »

Complément d’information

La loi actuelle – article 140 du Codé pénal ougandais – punit les « relations charnelles contraires à l’ordre de la nature » d’une peine pouvant atteindre quatorze ans d’emprisonnement. Cet héritage du colonialisme britannique visait à l’origine à sanctionner les pratiques locales considérées par les autorités coloniales comme des « pratiques sexuelles contre-nature ». Les lois prouvent que les relations homosexuelles et la diversité en matière de genre ont de tout temps imprégné la culture ougandaise. Le projet de loi déposé ce 15 octobre 2009 permet de placer à vie derrière les barreaux toute personne reconnue coupable du « crime d’homosexualité ».

Le paragraphe 3 contient des dispositions sur ce qui est décrit comme « l’homosexualité avec circonstances aggravantes », passible de la peine de mort, ce qui va à l’encontre de la tendance mondiale en faveur d’un moratoire sur le recours à ce châtiment.

Le dernier article prescrit à l’Ouganda d’annuler tous les engagements régionaux ou internationaux qu’il estime « contraires à l’esprit et aux dispositions inscrits dans le présent acte ». Comme l’ont fait valoir la Commission africaine et le Comité des droits de l’homme de l’ONU, aucun État ne peut, au travers de sa législation nationale, annuler les obligations qui lui incombent au titre du droit international relatif aux droits humains.