Nigeria : les forces de sécurité ont tiré sur des manifestants, tuant trois personnes

Amnesty International a condamné le recours excessif à la force par certains membres des forces de sécurité nigérianes après que trois personnes eurent été tuées lors d’une manifestation contre la démolition d’habitations dans l’État de Rivers, lundi 12 octobre.

Des policiers et des soldats de la Force d’intervention conjointe (JTF) du gouvernement ont fait usage d’armes à feu pour disperser une foule qui manifestait contre des démolitions prévues dans le quartier de Bundu situé au bord de l’eau à Port Harcourt. Ils ont grièvement blessé 11 personnes.

« Le recours intentionnel à la force meurtrière n’est admis que lorsque cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines », a déclaré Erwin Van der Borght, directeur du programme Afrique d’Amnesty International.

Le gouvernement doit enquêter dans les meilleurs délais sur les morts et blessures provoquées par l’usage d’armes à feu par la police et la Force d’intervention conjointe. Les personnes soupçonnées d’avoir fait un usage excessif de la force doivent être jugées dans le cadre de procès équitables, dans le respect des normes internationales et en excluant le recours à la peine de mort.

Les violences ont éclaté lorsque les autorités gouvernementales, accompagnées d’une quarantaine de policiers et de soldats puissamment armés, se sont rendues dans le quartier de Bundu le 12 octobre pour évaluer des constructions visées par des projets de démolition.

Des habitants, parmi lesquels des femmes et des enfants, se sont dressés face aux soldats et aux policiers. Ils ont montré leur opposition aux démolitions prévues en bloquant l’entrée de leur quartier.

Selon des témoins oculaires, deux véhicules blindés se sont avancés dans la foule, et les soldats et policiers ont commencé à tirer.

La plupart ont tiré en l’air, mais plusieurs agents des forces de sécurité auraient tiré directement sur la foule qui les entourait. Des balles perdues auraient pénétré dans des maisons, des boutiques et des voitures.

Un homme a expliqué à Amnesty International que sa sœur avait été touchée à la jambe alors qu’elle se trouvait à l’intérieur de son domicile.

Des personnes blessées par les tirs se seraient jetées à l’eau et se seraient échappées par les mangroves.

Onze personnes ont été soignées à l’hôpital pour des blessures par balle. Amnesty International a également reçu des informations selon lesquelles des soldats auraient frappé plusieurs personnes.

Vingt-trois hommes ont été arrêtés et ont été ensuite inculpés de complot, trouble à l’ordre public et destruction de biens publics. Ils ont été transférés à la prison de Port Harcourt.

Selon les autorités de l’État de Rivers, à leur arrivée dans le quartier les forces de sécurité ont essuyé des tirs venant de personnes « profitant de l’anarchie qui règne dans le quartier de Bundu, sur les berges » , et ont dû utiliser leurs armes pour se défendre.

Les informations reçues par Amnesty International indiquent que les manifestants n’ont pas utilisé d’armes à feu. Il n’y a eu aucun blessé parmi les soldats et les policiers.

Amnesty International a appelé les gouvernements fédéral et local à veiller à ce que les forces de sécurité n’aient recours à la force que dans le respect du droit international relatif aux droits humains et des normes internationales dans ce domaine.

C’était la deuxième fois en une semaine que les autorités tentaient de se rendre dans le quartier pour procéder à une évaluation des bâtiments à Bundu, un des plus grands quartiers de Port Harcourt au bord de l’eau.

Le gouvernement de l’État de Rivers a entamé la démolition des habitations de plusieurs quartiers situés au bord de l’eau, en attribuant une compensation financière aux propriétaires de biens situés dans ces quartiers.

Les habitants qui ne sont pas propriétaires de leur logement ou de leur boutique, ou qui sont dans l’incapacité de produire un titre de propriété, ne reçoivent aucune compensation financière et ne bénéficient pas non plus d’un relogement.