Syrie : Amnesty International exhorte les autorités à rendre justice à deux hommes tués par les forces de sécurité

Le 14 octobre 2008, Sami Matouq et Joni Suleiman ont été tués par les forces de sécurité syriennes dans le village d’al Mishrefeh, dans les environs de la ville de Homs. Un an plus tard, peu de choses ont été faites pour traduire en justice les responsables présumés de ces homicides. À l’approche du premier anniversaire de la mort de ces deux hommes, Amnesty International a écrit aux autorités syriennes pour les inviter à veiller à ce que les responsables présumés soient soumis à l’obligation de rendre des comptes et soient poursuivis en justice. Le procureur général militaire syrien a ouvert des investigations sur ces homicides quelques jours après qu’ils eurent été commis. Le rapport d’enquête, remis cette année à l’ancien ministre syrien de la Défense, recommandait l’ouverture de poursuites contre les responsables présumés, à savoir des agents de la Sécurité militaire identifiés comme les auteurs par des témoins oculaires. À ce jour, il semble qu’aucune procédure judiciaire n’ait été engagée par les autorités syriennes à la suite de la remise du rapport d’enquête. Les agents de la Sécurité militaire mis en cause n’ont été ni convoqués pour interrogatoire, ni suspendus de leurs fonctions. Amnesty International a appris que des agents de la Sécurité militaire syrienne avaient soumis certaines des personnes liées à l’affaire, dont des témoins des homicides, à des actes de harcèlement et d’intimidation, dans le but manifeste de les dissuader de demander justice pour Sami Matouq et Joni Suleiman et de témoigner contre des membres de la Sécurité militaire. L’oncle de Sami Matouq, Khalil Matouq, avocat engagé dans la défense des droits humains, fait l’objet de poursuites judiciaires devant la Cour militaire de Damas pour incitation aux luttes de factions ou à la haine raciale, offense au président et diffamation d’une administration publique. Khalil Matouq avait critiqué publiquement certains aspects de l’enquête et ce qu’il percevait comme un manque de volonté de la part des autorités de traduire en justice les responsables de ces deux homicides. Selon certaines sources, les charges retenues contre lui se fondent sur des déclarations arrachées par la force à des personnes originaires du village d’al Mishrefeh, incarcérées dans les locaux de la Sécurité militaire à Damas, qui étaient soupçonnées de s’être livrées à des trafics à la frontière entre la Syrie et le Liban. Deux des témoins des homicides, Hussam Moussa Elias et Qaher Deeb, seraient maintenus en détention au secret à Damas dans les locaux de la Sécurité militaire, sans inculpation ni jugement, depuis octobre 2008 et avril 2009 respectivement. Hussam Moussa Elias avait été blessé par balle lorsque Sami Matouq et Joni Suleiman ont été tués. Qaher Deeb avait aidé à transporter les deux cadavres à l’hôpital. Selon certaines sources, Hussam Moussa Elias et Qaher Deeb ont été arrêtés parce qu’ils se refusaient à obéir à des agents de la Sécurité militaire qui les enjoignaient à témoigner que des coups de feu avaient été échangés entre la patrouille de sécurité et Joni Suleiman ou d’autres personnes présentes sur les lieux des homicides. Amnesty International a exprimé la crainte que ces homicides ne constituent une privation illégale et arbitraire du droit à la vie, et que celui de Joni Suleiman n’ait été un acte délibéré – s’apparentant donc à une exécution extrajudiciaire. L’organisation s’est également dite préoccupée par le fait que les autorités syriennes n’avaient apparemment pas donné de suites aux conclusions du procureur général militaire et par les informations selon lesquelles plusieurs personnes liées à l’affaire et qui avaient fait des dépositions auprès des enquêteurs avaient depuis lors été appréhendées ou inculpées d’infractions à caractère politique, dans le but manifeste de les faire taire ou de les intimider. Amnesty International a appelé les autorités syriennes à suivre les recommandations formulées dans le rapport du procureur général militaire et à traduire en justice les agents de la Sécurité militaire soupçonnés d’être responsables des homicides de Sami Matouq et de Joni Suleiman, conformément aux obligations de la Syrie aux termes du droit international. L’organisation a vivement encouragé les autorités à veiller à ce que ces mesures soient prises sans délai et à ce que le rapport d’enquête du procureur général militaire soit intégralement rendu public, comme le prévoient les normes internationales. Amnesty a également demandé aux autorités syriennes de faire le nécessaire pour que :

Hussam Moussa Elias et Qaher Deeb soient libérés immédiatement et sans condition s’ils sont détenus dans le but de les contraindre à modifier leurs dépositions ou pour toute autre raison, à moins qu’ils ne soient inculpés d’infractions dûment reconnues par la loi et jugés sans délai dans le cadre d’un procès équitable ; les charges qui pèsent sur Khalil Matouq soient abandonnées sans délai si elles ont été retenues pour exercer une forme de contrainte sur lui ou pour le punir d’avoir reproché aux autorités de ne pas avoir rendu justice dans cette affaire ; Hussam Moussa Elias et Qaher Deeb soient immédiatement autorisés à consulter leur avocat, à recevoir la visite de leurs proches et à bénéficier de tous les soins médicaux qui leur seraient nécessaires ; les allégations selon lesquelles des suspects détenus dans les locaux de la Sécurité militaire à Damas ont été torturés donnent lieu sans délai à des investigations indépendantes ; les agents de la Sécurité militaire ou d’autres représentants de l’État soupçonnés d’avoir maltraité ou torturé des détenus ou d’avoir tenté de porter atteinte à la justice soient soumis à l’obligation de rendre des comptes.